La « Cerise sur le bateau » des CM1-CM2 de l’école de Marzy (Nièvre) a terminé 20e de la course virtuelle de l’Usep. Leur participation n’était toutefois qu’un aspect de leur projet de classe, centré sur la navigatrice Samantha Davies et la démarche solidaire de son « Initiatives Cœur ». Aussi son abandon a-t-il atteint le moral des élèves, et seule une partie de l’équipage a conservé la motivation nécessaire pour ramener le voilier à bon port.
Depuis les terres du centre de la France la mer est un horizon lointain, mais on n’en ressent pas moins durement les fortunes de mer. C’est la morale de l’aventure vécue par deux classes de l’école des Boutons d’or de Marzy, près de Nevers, sur les tumultueux océans du Vendée Globe1.
« Nous menons tous nos projets ensemble avec mon collègue de CM2, explique Gilles Roux2, l’enseignant des CM1-CM2. Celui que nous avions construit autour du Vendée Globe consistait à suivre la navigatrice Samantha Davies et son bateau Initiatives Cœur. Nous nous intéressions à son engagement envers les enfants atteints de maladies cardiaques et à ses conditions de vie durant son tour du monde en solitaire. L’engagement dans la course virtuelle, avec le suivi météo, les choix de route et le travail de classe sur la géographie des différents continents, n’est venu se greffer que quelques jours avant le départ, après avoir eu connaissance du partenariat noué par l’Usep. »
L’application Virtual Regatta a ainsi d’abord été présentée aux élèves comme une façon de suivre la course de Samantha Davies et, dans un second temps, comme la possibilité de participer soi-même de façon virtuelle. Chaque classe a alors inscrit un bateau dans la course réservée aux associations Usep : le bien nommé « Cerise sur le bateau » pour l’une, le bucolique « Boutons d’eau » pour l’autre.
« Pour permettre aux enfants de vivre la course en discutant entre eux dans la messagerie de Virtual Regatta, nous leur avons aussi proposé de se regrouper à quelques uns en engageant d’autres bateaux au sein d’une équipe spécifique : une douzaine en tout, dont quatre se sont échoués ou ont abandonné, et quatre autres qui à cet instant sont encore en course, mais ne communiquent guère plus entre eux », explique Gilles Roux.
Le maître, qui s’il n’a rien d’un « geek » mais possède des connaissances en matière de voile, a effectué avec ses élèves des séances spécifiques sur le jeu, avec des problèmes météo pour le choix des trajectoires, et des exercices de « manipulations » du bateau. Mais de l’équipement informatique parfois défaillant de la classe sont nés des problèmes de connexion : impossible parfois de savoir d’où venait le vent, ce qui est pour le moins problématique. « Choisir son cap pour améliorer la vitesse, surveiller la zone d’exclusion des glaces… Malgré tout c’est très complexe, et puis trois mois c’est long », relève également Gilles Roux.
Tous les soirs, le week-end et durant les vacances de Noël, des groupes de 2 à 4 enfants n’en ont pas moins piloté le bateau et rempli le journal de bord avec une grande assiduité. Cela explique l’excellent classement final de « Cerise sur le bateau ».
Mais l’abandon de Samantha Davies, après avoir heurté mi-décembre l’un de ces « objets flottants non identifiés » qui polluent les mers, a douché les enthousiasmes. Un genre de dépression collective n’ayant rien à voir avec celles qui gonflent les voiles au milieu de l’Atlantique… Après ce coup du sort, à la rentrée de janvier le groupe des quinze volontaires pour diriger le bateau a fondu. Le matin, ils n’étaient plus que trois ou quatre, toujours les mêmes, à lever le doigt. Le livre de bord n’était plus rempli tous les jours et le suivi hebdomadaire avec toute la classe se faisait désormais dans un grand silence.
« L’engagement de Samantha Davis auprès des enfants malades était pour nous une porte d’entrée pour travailler sur les associations solidaires : les Restos du cœur, le Secours populaire… Aussi, après son abandon, pour beaucoup la course virtuelle a perdu de son sens, et n’a conservé tout son intérêt que pour les plus mordus. Seules quelques annonces ont timidement réveillé l’attention du plus grand nombre : la reprise de sa route, hors classement, par Samantha Davies, nos podiums Usep et notre douzième place provisoire. Mais ni notre arrivée virtuelle aux Sables-d’Olonne, ni la fausse couverture du magazine Voiles et voiliers qui a immortalisé le moment n’ont suscité d’applaudissements. Seuls les dauphins qui suivaient les navigateurs ont fait frémir notre assemblée d’enfants masqués », constate Gilles Roux, un peu mitigé quant à cette expérience collective inédite.
Même virtuelle, la voile est parfois une rude école de la vie de classe.
(1) Une autre classe de CM1 de l’école a suivi le Vendée Globe, mais sans engager de bateau avec Virtual Regatta.
(2) Gilles Roux a longtemps tenu la rubrique Coup de crayon de notre revue papier En Jeu. On s’apercevra ci-dessous qu’il n’a rien perdu de celui-ci.
Les deux équipages au rapport
« La plupart des élèves ne savaient pas que le Vendée Globe existait et que cette course était très dangereuse, parce qu’elle est très longue et sans escale. Beaucoup ont découvert des endroits dans le monde comme le cap Horn, et d’autres été surpris d’apprendre qu’il existe une zone d’exclusion. Certains élèves ont eu peur pour Samantha Davies après son accident et trouvé passionnant qu’elle aide à sauver des enfants. » Kylian, Mélia
« Quelques enfants ont été étonnés que les navigateurs doivent manœuvrer seuls un bateau sans équipage, et d’autres ont trouvé intéressant de voir les bateaux naviguer à la fois en réalité et dans le monde virtuel. » Vasileio, Morgan
« Plusieurs d’entre nous n’ont pas réussi à se connecter à cause de problèmes internet. Samantha Davies a heurté un Objet flottant non identifié (Ofni). Elle a disparu de nos écrans et à cause de ça, ça n’a plus intéressé grand monde. » Lola, Garance, Kylian, Mélia
« On a suivi le Vendée Globe sur Virtual Regatta parce qu’on était obligés. Nous n’avons pas trop aimé le jeu, mais ça allait. C’était quand même intéressant. On a découvert les alizés, le pot au noir… » Maëlle, Clémence, Emma, Paul
« Le moment qui m’a le plus marqué, c’est quand je me suis échoué avec mon bateau aux îles Kerguelen. J’ai découvert que la route droite est parfois difficile à suivre et qu’il faut faire de longs calculs pour ça. » Titouan
« Moi j’aimais surtout quand on mettait la course de Virtual Regatta en 3 D. » Maé
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