Agrégé d’EPS et principal de collège à Lille jusqu’à cette rentrée, Jérôme Vandenabeele est le nouveau directeur national de l’Usep. Comment aborde-t-il ses nouvelles fonctions au sein du sport scolaire du premier degré ? Comment envisage-t-il les dossiers cruciaux de la relance des adhésions et de la dynamique 2024 ?
Jérôme Vandenabeele, qu’est-ce qui décide un principal de collège – ce que vous étiez encore en juin dernier – à se porter candidat au poste de directeur national de l’Usep ?
L’envie de rejoindre, ou plus exactement de retrouver le milieu sportif. À l’exception de mes neuf années comme personnel de direction, à titre professionnel comme à titre privé j’ai toujours évolué d’une manière ou d’une autre au sein de celui-ci. En outre, je retrouve à l’Usep les valeurs que j’ai pu défendre comme enseignant et formateur en EPS. Et puis il y a l’envie de pouvoir piloter des dossiers, concevoir, réguler, évaluer, déléguer… Car malheureusement le quotidien d’un personnel de direction consiste avant tout à gérer des urgences et des mécontentements.
En quoi ces nouvelles fonctions font-elles écho à votre parcours de sportif, d’enseignant et de personnel d’encadrement ?
Ces trois expériences complémentaires vont m’aider à entrer rapidement dans la peau d’un directeur national de l’Usep. J’insisterai sur celle d’enseignant et surtout sur mes dix années d’activité dans la formation initiale et continue, en particulier dans le premier degré : j’ai appris à connaître les professeurs des écoles, leurs difficultés et les rapports qu’ils entretiennent avec les activités physiques et sportives. Mon expérience dans l’encadrement est évidemment un atout pour le management des projets et des ressources humaines, et aussi la gestion des budgets. Quant à mon passé de pratiquant sportif, d’entraîneur et de dirigeant de club, ce sera un plus dans le cadre des relations avec les fédérations sportives.
Que retenez-vous de votre premier comité directeur national, fin août, et de vos échanges avec la présidente de l’Usep, Véronique Moreira ?
Tout d’abord, j’ai été très bien accueilli, de manière simple et détendue : j’ai compris qu’à l’Usep on travaille sérieusement mais sans se prendre trop au sérieux. De même, les échanges avec Véronique Moreira ont été très fluides et la présidente continue à m’éclairer régulièrement sur les dossiers les plus urgents. Mais ce n’est qu’après avoir pris toute la mesure du fonctionnement de l’Usep que je pourrai proposer des modalités opératoires pour les prochains mois. Lors de ce comité directeur, j’ai néanmoins pris conscience de l’étendue du périmètre d’intervention de l’Usep et des difficultés de terrain, comme la charge de travail très lourde des délégués départementaux, qui constitue semble-t-il un frein au développement des affiliations et adhésions. Je retiens aussi l’exigence de cohérence. L’action nationale de l’Usep s’appuie sur un grand nombre de groupes de travail, et au titre de cette cohérence il incombe à la direction nationale de veiller à lier leurs travaux aux deux objectifs à court terme que sont : premièrement, retrouver au moins le nombre d’adhérents d’avant le Covid1 ; deuxièmement, s’inscrire pleinement dans la dynamique 2024, au risque sinon pour l’Usep de devenir invisible.
Comment s’est opéré le tuilage avec votre prédécesseur, Benoit Lasnier, qui a occupé ce poste durant neuf ans ?
D’un point de vue technique, Benoît m’a détaillé le fonctionnement de la fédération et les modes de communication avec le réseau. Il m’a aussi apporté les éléments de connaissance minimale des dossiers, y compris l’articulation entre l’Usep et la Ligue de l’enseignement. Il a aussi insisté sur la dimension bénévole de l’engagement des animateurs Usep : c’est quelque chose que moi-même et la direction nationale devront toujours avoir à l’esprit.
Jusqu’à présent, quelle était votre connaissance de terrain de l’Usep ?
Je mentionnerai deux souvenirs à la fois très forts et très significatifs, l’un comme enfant et l’autre comme parent. Lorsque j’étais écolier à Libercourt (Pas-de-Calais), près de Lens, au cœur du bassin minier, notre enseignant avait mobilisé autour d’un grand relais toutes les écoles de la commune. Chacun d’entre nous avait une distance à parcourir, et notre maître avait aussi profité de la reconnaissance du parcours pour nous faire travailler sur tout ce que nous pouvions voir en chemin, comme les essences d’arbres. Je me souviens aussi bien de cela que de ce qui furent mes premières émotions sportives.
Le second souvenir remonte à 2017. L’enseignante de ma fille, élève à Marmande (Lot-et-Garonne), avait engagé sa classe dans la Ronde cycliste itinérante qui décline le P’tit Tour à vélo, et m’avait demandé d’y participer. J’ai passé deux jours et une nuit avec ce peloton d’élèves, d’enseignants et de parents, et découvert à cette occasion les autres activités proposées aux enfants le soir à l’étape.
De façon plus extérieure – et c’est aussi ce qui a motivé ma candidature – je vois l’Usep comme une fédération qui développe de très belles choses mais manque cruellement de visibilité. En dépit d’un maillage d’environ une école sur cinq, qui mérite d’être développé mais est néanmoins significatif, l’Usep est encore trop peu connue, y compris d’une partie des enseignants. Bien sûr, il y a des explications à ce manque de visibilité, et cela varie d’un territoire à l’autre. Mais cela nourrit mon envie de développer l’Usep et de mieux faire connaître son action.
La question est aussi celle du rapport parfois contrasté qu’entretiennent les professeurs des écoles avec les activités physiques et sportives…
Mon expérience de formateur m’a permis d’identifier deux publics différents. Le premier est proche des APSA (Activités physiques, sportives et artistiques) et réunit les enseignants qui ont été pratiquants ou dirigeants de club, ont vécu cette proximité avec le sport à travers leurs enfants et se sont engagés ensuite, ou sont tout simplement issus de la filière Staps2. Ils n’ont ni difficultés ni réticences pour animer l’EPS et en connaissant l’intérêt pour développer les capacités motrices des enfants, mais aussi pour contribuer à la formation du citoyen, avec un impact sur le climat scolaire. Ce public s’engagera volontiers à l’Usep.
En revanche, les enseignants très éloignés des pratiques sportives sont en difficulté pour enseigner l’EPS, d’autant plus que le nombre d’heures dans la formation initiale est faible. Il leur arrive parfois de s’appuyer presque entièrement sur l’éducateur territorial de la collectivité, alors que celui-ci ne peut être le garant de la mise en œuvre des programmes. Il serait à mon sens intéressant que l’Usep propose à ces enseignants des contenus faciles, ou « clés en mains », par exemple dans le cadre des 30 minutes d’activités physiques quotidienne. Alors nous pourrons intéresser ce public et favoriser ensuite son adhésion.
Pour finir, quelle est votre feuille de route, pour cette année scolaire et pour l’échéance de 2024 ?
Je n’ai pas encore de feuille de route, mais au risque de me répéter je retiens deux choses de mon premier comité directeur. Premièrement, toutes les actions engagées doivent prendre en compte l’objectif essentiel qui est de développer le nombre de licenciés, dans les écoles déjà affiliées et dans celles qui ne le sont pas encore – à mon sens ce n’est pas à tout à fait la même approche. Deuxièmement, s’inscrire de manière plus visible dans la dynamique 2024. Sans nier les valeurs de l’Usep, on doit pouvoir apporter une coloration « 2024 » à ce qui existe déjà, afin d’être présent au côté des acteurs et partenaires qui, souvent, possèdent une vraie force de frappe en matière de communication. Il est possible de trouver dans la rencontre sportive associative qui fait l’originalité de l’Usep, mais aussi dans les 30 minutes d’activités physique quotidienne, des formes de défis qu’il sera plus facile de médiatiser. Pas des compétitions, mais des challenges interclasse ou interzones géographiques. À se vouloir trop différent, on risque d’être écarté, mis de côté. L’Usep doit défendre sa singularité, mais aussi se montrer vigilante quant à ce degré de singularité, à côté du modèle sportif dominant, opposant des athlètes et des nations, qui sera consacré dans les deux années à venir. Comment faire pour ne rien renier de nos valeurs tout en se rapprochant de ce modèle, qui nous permettra sans doute de mieux communiquer et de montrer comment l’Usep et l’école se saisissent de cet « évènement 2024 » ? Comment également contribuer à former des jeunes qui, plus tard, inscriront spontanément la pratique physique dans leur vie d’adulte ? Ces questions sont pour moi de véritables challenges qui motiveront mon engagement et le travail de l’ensemble de l’équipe de la direction nationale.
(1) 430 600 licenciés enfants en 2021-2022, contre 674 000 en 2018-2019. (2) Staps : Sciences et techniques des activités physiques et sportives.
Volleyeur, enseignant, formateur, directeur…
Passé par une section sport-études de volley-ball et ex-joueur de nationale 3 à l’Étoile Oignies (Pas-de-Calais), Jérôme Vandenabeele, 49 ans, décroche en 1995 une licence Staps à l’université Lille 2. Il commence aussitôt à enseigner l’EPS en collège comme maître auxiliaire. Reçu au CAPEPS1 interne en 2000 puis à l’agrégation en 2004, il s’oriente à partir de 2013 vers des fonctions de direction : principal adjoint au collège de La Réole (Gironde) puis proviseur adjoint au lycée Montaigne de Bordeaux, il est nommé en 2021 principal du collège Martha Desrumaux de Lille. Jérôme Vandenabeele a également été formateur en EPS pour le premier et le second degré (à mi-temps de 2003 à 2006 à l’IUFM d’Arras, puis à plein temps de 2010 à 2013 à l’Espé2 de Guadeloupe), ainsi que formateur Staps à l’université Lille 2 de 2006 à 2010. Titulaire d’un Brevet d’État d’éducateur sportif 1er degré option volley-ball, il a été de 1995 à 2000 entraineur dans son club d’Oignies et a exercé brièvement (1999-2000) les fonctions d’adjoint au directeur des sports de la commune. Aujourd’hui adepte de la course à pied et du vélo en loisir, il y ajoute la natation lorsqu’il s’agit de s’aligner sur un triathlon, comme début septembre à Gérardmer (Vosges) sur la distance olympique (1,5 km natation – 40 km vélo – 10 km course à pied).
(1) Certificat d’aptitude au professorat d’éducation physique et sportive. (2) Les Institut de formation des maîtres ont été remplacé en 2013 par les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation.