En Gironde, cela fait plus de 35 ans que des enseignants donnent bénévolement 3 heures par semaine pour faire pratiquer les élèves de leur école le mercredi ou le soir après la classe. Les titulaires de ces 28 postes à mission Usep, distincts de ceux récemment créés dans plusieurs départements, sont souvent jeunes et passés par la filière Staps. Motivés par la transmission du plaisir de l’activité physique et sportive, ils constituent le fer de lance de la pratique hors temps scolaire, explique le délégué départemental.

Hervé Fredon, quelle est l’origine des postes à mission Usep en Gironde ?

Ils sont nés il y a 35 ans de la volonté commune de l’inspecteur d’académie et de l’Usep de développer la pratique sportive et la vie associative en dehors du temps scolaire. La dénomination originelle est « Pass Usep » pour « postes à sujétion spéciale ». Ceux-ci ont été transformés en « postes à mission Usep » il y a 7 ans quand les collègues qui les occupaient à titre provisoire en sont devenus titulaires, avec lettre de mission et cahier des charges.

Combien y a-t-il de postes ?

Une dizaine à l’origine, et aujourd’hui 28, car nous en avons gagné un à la rentrée. Des écoles et des inspecteurs et inspectrices de circonscription nous demandent souvent comment en créer. Nous aimerions qu’il y en ait davantage, mais cela donne lieu à des discussions avec les syndicats. Ces postes offrent en effet l’opportunité d’être nommé dans des écoles auxquelles de jeunes enseignants n’auraient pas accès au regard de leur barème, notamment dans l’agglomération bordelaise. Techniquement, il faut qu’un poste en élémentaire soit vacant, puis le flécher Usep. Pour y prétendre, il faut avoir reçu un avis favorable à l’issue d’un entretien avec la commission mise en place chaque année. La nouvelle recrue est ensuite accompagnée par un binôme constitué d’un conseiller pédagogique et d’un élu ou du délégué Usep, avec au moins un point annuel.

Comment ces postes sont-ils répartis ?

L’objectif, partagé avec les directeurs d’académie qui se sont succédés, est de les placer là où ils sont le plus utiles, dans les écoles classées en réseau d’éducation prioritaire et les zones rurales où l’offre sportive est réduite. Mais cette localisation géographique étant le seul avantage pour les collègues qui donnent bénévolement 3 heures par semaine, cela ne coïncide pas toujours avec les lieux d’implantation : nous choisissons aussi des écoles pour lesquelles nous aurons des candidats. Généralement, il s’agit d’établissements comptant au moins une dizaine de classes, et parfois jusqu’à 17 ou 18. Avec quelques exceptions, comme l’école de Léogeats, dans le sud-Gironde, qui n’en compte que 4. Mais en l’absence de toute offre sportive locale, le pourcentage d’enfants licenciés y est élevé.

L’un des points cruciaux est que ces trois heures hebdomadaires ne sont pas rémunérées, à la différence de celles qui permettent aux professeurs d’EPS du second degré d’animer l’UNSS…

Non, à l’exception de la décennie durant laquelle ont été accordées des IPE, ces indemnités péri-éducatives à discrétion des directeurs d’académie. Dans le cadre d’un décret toujours d’actualité, les IPE permettent de financer des interventions d’enseignants face à des enfants en dehors du temps scolaire, dans le domaine scientifique, culturel ou sportif. Depuis 6 ans, ce n’est plus le cas. Nous allons cependant proposer à la nouvelle directrice académique (Dasen) de les réintroduire. Car c’est un petit miracle de trouver chaque année autant de candidats. Les enseignants nouvellement nommés en Gironde qui s’intéressent à ces postes souvent tombent des nues en apprenant qu’il n’y a aucune indemnité. L’édifice repose principalement sur de jeunes enseignants issus de la filière Staps1 qui ont vécu le sport scolaire et parfois entraîné en club. Mais rien n’interdit d’encourager ces vocations !

Où se placent ces 3 heures ?

À l’origine c’était le mercredi, matin ou après-midi. Quelques uns restent sur ce fonctionnement, notamment en zone rurale, mais désormais la plupart se partagent entre deux soirs, par exemple les cycle 2 le mardi et les cycles 3 le jeudi après l’école.

Il est précisé dans la fiche de poste que « l’animation en présence des enfants représente la majeure partie du temps et se déroule sur au moins 2 h 30 hebdomadaires », mais aussi qu’il s’agit « d’impliquer les enfants dans leur parcours citoyen, et les adultes dans les différents rôles de la vie associative » : est-ce toujours le cas ?

Ça l’est pour les associations qui ont un passé, une histoire, et cela reste souvent à construire là où les postes sont plus récents. Le turn-over est de 4 à 5 collègues et, lors de la formation organisée en début d’année, nous travaillons beaucoup sur cet aspect avec les nouveaux : comment développer la vie associative et associer les parents dans son animation, au-delà de l’aide apportée sur les rencontres. C’est dans les écoles à poste Usep que nous avons le plus de parents présidents car la pratique hors temps scolaire est plus propice à leur investissement : ils comprennent qu’ils y ont toute leur place dans l’association. Disons que dans un tiers de ces associations un parent est président, et que dans les autres il y a généralement deux ou trois parents engagés.

La fiche de poste mentionne également la labélisation Génération 2024 et le déploiement du Savoir Rouler à Vélo

Ces enseignants sont personnes ressources pour ces dispositifs, même si on ne peut légitimement leur demander dès la première année d’être aussi investis qu’un conseiller pédagogique ! Ils sont aussi un appui pour développer les rencontres en temps scolaire et, pour les plus expérimentés, construire des formations avec les conseillers pédagogiques. Beaucoup encadrent les formations vélo pour parents accompagnateurs.

Quelle est la répartition des rôles avec le délégué départemental ?

Ces postes ne doivent pas être confondus avec les postes à mission Usep récemment créés dans d’autres départements. En Gironde, ils ne s’accompagnent d’aucune décharge pour développer l’Usep et sont d’abord là pour animer des créneaux d’activité hors temps scolaire. Je m’appuie néanmoins sur eux pour organiser des rencontres départementales et eux-mêmes organisent des rencontres de secteur. Pour ma part, je suis épaulé par deux enseignantes qui, elles, bénéficient d’une décharge à mi-temps, soit un équivalent temps plein.

Sur la durée, quel est l’impact de ces postes à mission Usep ?

Les 28 associations d’école concernées sur les 130 affiliées à l’Usep représentent un tiers de nos 6 000 licenciés. Elles réunissent donc en moyenne davantage de licenciés, pour une pratique hebdomadaire. En journées-enfants, cela doit chiffrer…

Ces postes sont-ils parfois remis en question ?

Pourquoi le seraient-ils ? Ceux qui les occupent sont des professeurs des écoles qui donnent bénévolement trois heures en plus de leur service. Cela ne coûte rien à l’institution, et nous recevons toujours des demandes de la part d’inspecteurs de circonscription souhaitant créer un poste dont ils voient tout l’intérêt. Pour relayer la Semaine olympique et paralympique ou le dispositif des 30 minutes d’activité physique quotidienne à l’école, puis faire remonter des statistiques, on se tourne tout naturellement vers eux. Au regard de leurs compétences, l’administration est parfois tentée de les investir de missions qui relèvent davantage d’un conseiller pédagogique, alors qu’ils sont avant des enseignants à plein temps dans leur classe. Ils sont précieux, alors veillons aussi à les préserver !

Propos recueillis par Philippe Brenot

(1) Staps : Sciences et techniques des activités physiques et sportives.