À quoi ressemblent les 30 minutes d’activité physique quotidienne à l’école ? En marge de la signature d’une convention Terre de Jeux avec l’association France Urbaine, Tony Estanguet a visité une école nantaise affiliée à l’Usep dont les 14 enseignants expérimentent depuis la rentrée ce dispositif conjointement promu par Paris2024 et l’Éducation nationale, qui en fait aujourd’hui une priorité. L’occasion d’une courte interview en forme de point d’étape.

La cour de l’école Ledru-Rollin se cache entre immeubles et petites maisons, dans les quartiers sud de Nantes. Ce jeudi 9 septembre après-midi, elle accueille un visiteur de marque qui néanmoins se fait discret. Venu avec une délégation de Paris 2024 observer comment se décline « sur le terrain » l’invitation à pratiquer 30 minutes d’activité physique quotidienne, le président du Comité d’organisation des Jeux Olympiques (Cojo) observe le premier atelier : un défi-récré appelé « le saut en croix », où les enfants bondissent pieds joints d’une case à l’autre sous l’œil de Delphine, l’éducatrice Usep qui, avec l’équipe EPS, a lancé la dynamique sur deux premières séances, avant que les enseignants ne poursuivent « en autonomie » sur le reste de l’année.

En trois enjambées, Tony Estanguet passe ensuite à un exercice auquel Séverine Ledoux et ses élèves de CE2 n’ont pas encore eu le temps de donner un nom. Par deux, il s’agit de faire rebondir une balle dans un cerceau en se tenant de part et d’autre de celui-ci, et en s’amusant si l’on veut à rendre la réception de son camarade difficile. Puis, en s’aidant du mur, cela devient un exercice d’adresse. L’ancien kayakiste s’invite alors dans le jeu en attrapant un cerceau dans chaque main, comme une ébauche de logo olympique.

« Nous avons choisi d’accompagner l’école et les enseignants sur deux séances pour leur mettre le pied à l’étrier avant de reprendre contact ultérieurement, avait expliqué un peu plus tôt au champion Mathieu Broissand, le conseiller pédagogique départemental EPS chargé de déployer le dispositif en Loire-Atlantique. Il nous semblait nécessaire d’être présent au tout début et de ne pas se contenter de fournir des ressources, afin de donner du sens à ce dispositif et de bien le distinguer de l’EPS. À partir de cette expérimentation, nous espérons aussi être plus à même d’accompagner des écoles rurales ne possédant pas forcément les mêmes infrastructures ou moyens humains. Sur les écoles qui bénéficient d’un environnement favorable, nous privilégions aussi les activités de pleine nature n’exigeant aucun matériel : micro-randonnée ou marche active. »

Sous le préau, à cloche-pied comme pour une marelle, l’ancien kayakiste s’essaie à présent au soleil, autre défi-récré imaginé dans le cadre de l’opération « A l’Usep la santé ça se VIE ! ». Un exercice plus exigeant physiquement qu’on ne croît… Enfin, devant une banderole reproduisant en grand format une réglette des émotions1, Lani, Romane et Sacha lui en expliquent le mode d’emploi : « Chaque jour, on place un bouchon pour dire comment on a aimé l’activité. Et souvent, on aime de plus en plus ! » « Nous insistons sur la prise de conscience par les enfants des effets de la pratique physique et sportive sur leur santé », précise ensuite le CPD EPS.

Puis c’est au tour du visiteur de prendre la parole devant les enfants, réunis devant lui et l’ex-basketteuse Emmeline Ndongue : « Je suis venu voir comment vous faites ces 30 minutes d’activité physique quotidienne. Moi, j’organise les Jeux olympique des Paris 2024, où viendront 15 000 athlètes. Mais ce que nous voulons aussi, c’est que tous les enfants comme vous fassent plus d’activité physique, y compris à travers de petits exercices comme ceux que j’ai vu aujourd’hui. D’ailleurs, vous vous débrouillez mieux que moi ! » Puis, surprise, les deux champions sortent chacun de leur poche une médaille olympique, l’une en or l’autre en argent, avant de se prêter de bon cœur à l’exercice imposé des autographes.

Au final, qu’a retenu le président du Comité d’organisation de Paris 2024 de cette visite d’une petite heure ? « C’est très intéressant pour nous de voir concrètement comment les enseignants proposent aux élèves ces 30 minutes d’activité physique quotidienne à l’école. Ceci d’autant plus qu’il s’agit ici d’une école qui débute tout juste cette mise en place. » Tony Estanguet est particulièrement intéressé par les différents temps sur lesquels peuvent être prises ces 30 minutes. Pour Dominique Paillard, l’enseignant présent avec ses CM2 cet après-midi, « l’idée est de jouer à la fois sur le temps de classe et les récréations ». La pause méridienne est aussi un enjeu, surtout dans une école où, comme ailleurs à Nantes, 80 % des élèves mangent à la cantine. « La collaboration avec l’équipe périscolaire est une piste à exploiter, notamment en s’appuyant sur la labellisation Génération 2024 d’une école ou Terre de Jeux d’une municipalité, concède volontiers Mathieu Broissand. Et si aujourd’hui nous avons présenté des activités dans la cour, il faut aussi encourager les pauses actives en classe, même si c’est moins dans notre culture professionnelle de conseiller pédagogique EPS. »

Mais déjà Tony Estanguet et la délégation de Paris 2024 s’engouffrent dans les véhicules aux vitres fumées qui les attendent devant la grille de l’école. Et même si le compte n’y est pas, entre les réunions et les cérémonies protocolaires qui sont son lot quotidien, au moins l’ancien champion aura-t-il pu grapiller d’un atelier à l’autre quelques précieuses minutes d’activité physique.

Philippe Brenot

(1) Ressource qui figure parmi les outils de L’Attitude santé proposés du cycle 1 au cycle 3.

Tony Estanguet : « Favoriser une approche ludique »

Tony Estanguet, peut-on faire un point d’étape des « 30 minutes d’activité physique quotidienne » ?

Lancé l’an passé, le dispositif concerne aujourd’hui 1 000 écoles1 : cela devient significatif. Et ce lundi 13 septembre, nous avions une réunion au siège de Paris 2024 avec le ministre de l’Éducation nationale et les 100 référents territoriaux pour voir comment poursuivre le déploiement du programme.

Comment articuler ces 30 minutes d’activité physique avec les temps de pratique plus formalisés de l’EPS et du sport scolaire, ceci sans les confondre ?

C’est complémentaire. L’EPS continue, le sport en club et dans les associations scolaires aussi, et nous pensons qu’il y a la place pour ajouter 30 minutes d’activité physique à l’école.

L’école Ledru-Rollin de Nantes, qui expérimentent les 30 minutes d’activité physique quotidienne et que vous avez visitée le 9 septembre, est labellisée Génération 2024 et possède une culture sportive née d’une participation régulière aux rencontres de Usep. Le sport scolaire est-il la garantie que la sensibilisation des enfants à l’activité physique s’inscrive dans la durée ?

Pour nous, l’enjeu c’est l’héritage de Paris 2024, c’est-à-dire qu’après ce grand rendez-vous ces enfants continuent d’avoir une pratique physique et sportive. C’est pourquoi nous venons nous greffer sur des dispositifs faciles à mettre en place et ne nécessitant pas de gros matériel ni de moyens particuliers, sans quoi ils s’arrêteraient au lendemain des Jeux. Il s’agit de développer des contenus accessibles et gratuits que les enseignants vont pouvoir utiliser et dont ils verront, j’espère, l’utilité.

Quel type d’activités vous semble-t-il le plus pertinent : celles où les enseignants organisent des temps ponctuels en classe ou les invitations faites aux enfants de se bouger en autonomie pendant la récréation ?

Nous sommes encore dans une phase d’expérimentation et n’avons pas vocation à imposer un modèle. Des écoles et des enseignants préfèrent le début de journée, d’autres proposent des temps pendant la pause méridienne, à son retour, ou encore dans le temps périscolaire de fin de journée… Ce qui est important, c’est que les élèves prennent cette habitude de faire un peu d’activité physique tous les jours.

À votre sens, quelles sont les conditions à réunir pour que l’activité physique des élèves pendant les récréations ou la pause méridienne soit plus spontanée, et donc plus durable en définitive ?

L’aménagement des écoles et des cours est important pour qu’elles soient accueillantes pour la pratique d’une activité physique. L’environnement doit être inspirant pour pratiquer des jeux. Car il faut vraiment aborder les 30 minutes d’activités physiques quotidiennes avec une approche très ludique.​

(1) Un chiffre à compléter par le nombre d’enseignants volontaires parmi celles-ci.