937 classes, au sein de 263 associations d’école, ont répondu dans une cinquantaine de départements à l’invitation de Faire vivre la Charte de la laïcité à l’école avec l’Usep durant la semaine du 7 au 11 décembre. Qu’est-ce que les enseignants ont souhaité transmettre aux 20 000 enfants qui ont participé à cette action ? Quels ateliers sportifs ou de débat ont-ils privilégié ? Quel intérêt voient-ils à ce type de journée ? Témoignages de professeurs des écoles du Rhône, des Côtes-d’Armor, du Finistère, de Martinique, de la Drôme et du Calvados.
« Promouvoir un projet commun »
Thierry Cortial, directeur de l’école élémentaire Meynis, dans le 3e arrondissement de Lyon (Rhône), où l’action s’est déroulée sur toute la semaine et connaîtra un prolongement dès janvier :
« Cette semaine de la laïcité fut d’abord l’occasion de promouvoir un projet commun. En cette période difficile où dans une atmosphère nourrie de craintes et de peurs diffuses chacun a tendance à se replier sur lui-même, le partage d’activités communes est particulièrement important. Cette semaine fut dynamique et joyeuse, réflexive et constructive. Et s’il fallait retenir une expression d’enfant, ce serait celle de Romane, élève de CM1 : « Sans la laïcité, il n’y aurait pas de liberté, pas d’égalité et pas de fraternité. »
Visites. « La semaine a débuté par l’activité sportive et s’est poursuivie les jours suivants par deux ateliers Remue-méninges dans chaque classe. La flash mob, elle, a réuni les 400 élèves de l’école le jeudi et la construction de l’arbre de la Laïcité a occupé le vendredi matin. Les élèves ont également rencontré et échangé avec les différentes personnalités ayant répondu à notre sollicitation : l’inspecteur de l’Éducation nationale et des conseillers pédagogiques, le maire d’arrondissement et plusieurs adjointes, ainsi que le délégué Usep du Rhône. »
Ateliers. « Côté sportif, nous avons choisi l’atelier des « déménageurs », accessible pour toutes les classes impliquées, du CE1 au CM2. Quant aux deux thèmes de débat retenus, « Qu’est-ce qu’être différents ? » et « Comment bien vivre ensemble ? », ils ont permis une réflexion particulièrement utile à mener au sein des classes en ce moment et correspondaient aussi à des projets développés par le conseil des maîtres cette année. »
Prolongement. « Le projet commun développé par l’équipe enseignante durant cette semaine trouvera un écho dès janvier. Nos 15 classes travailleront sur la devise de la République française et la déclineront chacune à sa manière, pour aboutir à une exposition géante sur les grilles de l’école : une façon d’affirmer la place qu’occupe celle-ci au cœur du quartier, en suscitant les échanges et les expressions au-delà de nos quatre murs. »
« Un travail sur les religions »
Nadine Hénaff-Guillemot, professeure des écoles à Plélo (Côtes-d’Armor), où l’action fut l’occasion d’un travail de fond sur l’histoire des religions et la Charte de la laïcité à l’école :
« Nous souhaitions mettre en avant les valeurs de la République au sein de notre école publique, afin que les élèves puissent ensuite réfléchir par eux-mêmes sur la laïcité. Nous avons ainsi mené un travail sur les religions afin de faire émerger le fait que chacun peut « croire » sans obliger les autres à croire en la même chose. Nous avons aussi eu beaucoup de questions sur la charte de la laïcité (quand ? pourquoi ?) et, par extension, sur la loi du 9 décembre 1905 à laquelle fait référence la Journée nationale de la laïcité.
La laïcité, c’est quoi ? « Toute la semaine, de la petite section de maternelle au CM2, l’ensemble des classes ont abordé le thème de la laïcité, à hauteur d’élève et en fonction de l’âge de chacun. Les CM1-CM2, l’ont par exemple abordé en éducation morale et civique (EMC) à travers l’histoire des grandes religions monothéistes (islam, judaïsme, christianisme), en soulignant leurs points communs et en faisant le lien avec la question de la liberté d’expression, déjà traitée au retour des vacances d’automne à travers l’hommage à Samuel Paty. Nous avons ensuite identifié les symboles de la république (drapeau tricolore, la devise liberté-égalité-fraternité, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789) avant d’aborder la question : « La laïcité, c’est quoi ? ». Ce débat sur ce que veut dire « laïcité », mené à partir de l’affiche de la Charte de la laïcité à l’école, a concerné les élèves du CE2 au CM2 et fut l’un des moments fort de la semaine, avec la flash mob qui a réuni les 260 élèves de l’école. »
« Réfléchir à nos pratiques sportives »
Anne Le Nir, enseignante des CE2A de l’école du Lac à Plabennec (Finistère), où trois séances d’EPS ont été intercalées entre les temps de débat et celui dédié à la réalisation de l’arbre de la laïcité :
« La journée s’est déroulée en plusieurs temps, avec notamment trois séances d’EPS, un débat, une discussion collective autour du vivre ensemble, et enfin la réalisation de l’arbre de la laïcité. Parmi les ateliers sportifs, c’est la « course équitable », précédée d’un débat sur la notion d’équité, qui s’est révélée la plus intéressante. Y consacrer deux séances a permis en outre aux enfants de proposer eux-mêmes des adaptations, comme faire démarrer les plus rapides en position assise. »
Une devise en actes. « Cette journée a permis de vivre en actes les mots de la devise de la République : non seulement débattre de ces valeurs de liberté, égalité et fraternité, mais aussi d’amener les élèves à voir comment elles peuvent se traduire dans les pratiques sportives. Et nous ne manquerons pas d’y faire référence en adaptant nos ateliers à l’avenir. La Semaine olympique et sportive, début février, nous donnera par exemple l’occasion de poursuivre cette réflexion autour du handisport. »
Et ailleurs :
À l’école de Batelière, à Schoelcher (Martinique), Mylène Hubbel a décliné l’action sur une demi-matinée avec sa classe, en mettant l’accent sur le vivre ensemble et la lutte contre toutes les formes de discriminations. « La course équitable a aidé les enfants à faire la distinction entre les notions d’égalité et d’équité, explique-t-elle. Et cette journée trouvera un prolongement dans nos rencontres sportives associatives, où nous mettrons en valeur les jeux coopératifs. »
À l’école élémentaire de Crozes-Hermitage (Drôme), rapporte Jan Dybing, la journée a permis de « prolonger un travail engagé sur les valeurs de la République » et, là aussi, de « parler du vivre ensemble », notamment à travers la notion de « coopération » travaillée dans les ateliers sportifs.
À l’école de Saint-Aubin-sur-Mer (Calvados), l’action s’est déroulée sur la semaine, de la maternelle au CM2. « Ce genre d’action, souligne Catherine Sarrès, permet d’aborder des thèmes importants qu’on néglige parfois par manque de temps. Elle trouvera un prolongement direct dans en EPS et au quotidien, dans tous les conflits qui peuvent apparaître en classe ou dans la cour de récréation. Rappeler ce qui a été dit et fait durant cette semaine concernant l’acceptation de l’autre et ce que signifie jouer avec et partager, sera alors très utile. »
À l’école de Murviel-lès-Montpellier (Hérault), avec ses élèves de cycle 3 Bruno Mérite a relié la notion de laïcité à la connaissance des religions et au vivre ensemble. Les ateliers sportifs ayant été reportés en raison du mauvais temps, c’est la flashmob, proposée ici en vidéo, qui a tenu lieu d’activité physique lors de cette journée « mobilisatrice et motivante pour les enfants ».
À l’école Camus d’Orange (Vaucluse), les enfants ont participé à plusieurs débats dans le cadre de l’enseignement moral et civique, avant de prendre part le vendredi après-midi à des jeux coopératifs suivis de l’inauguration de l’arbre de la laïcité confectionnés les jours précédents, en présence de l’inspecteur de l’Éducation nationale et des représentant des parents d’élèves. « L’arbre a vocation à durer dans le temps en modifiant les cocardes, en y ajoutant de nouvelles choses », précise Émilie Benecy, qui souhaite reconduire l’action l’an prochain.