263 associations d’école, soit 937 classes, dans une cinquantaine de départements, ont répondu à l’invitation de Faire vivre la Charte de la laïcité à l’école avec l’Usep durant la semaine du 7 au 11 décembre. Qu’est-ce que les enseignants ont souhaité transmettre ou susciter chez les 20 000 enfants qui ont participé à cette action ? Quels ateliers sportifs ou de débat ont-ils privilégié ? Quel intérêt voient-ils à ce type de journée ? Témoignages de professeurs des écoles de Moselle, des Deux-Sèvres, du Cher, du Calvados et de l’Aude.

« S’appuyer sur la charte dès que nécessaire »

Anne-France Piatkowski, directrice de l’école Ambroise-Thomas de Vitry-sur-Orne (Moselle), où l’initiative de l’Usep a conforté le lien fort déjà établi avec la Charte la laïcité :

« Toute l’année, nous souhaitons que les élèves fassent vivre la charte de la laïcité au quotidien et s’appuient sur elle dès qu’une situation le nécessite. Nous leur avons donc demandé de s’en approprier les différents articles et de les traduire avec leurs mots. Les CE1 ont par exemple retenu l’esprit de liberté : « liberté de créer, de dessiner, liberté de danser, de chanter », tandis que les CM2 ont davantage exploré la notion de respect. »

Mois de la laïcité. « Nous travaillons en permanence sur les valeurs républicaines, en y apportant un éclairage particulier depuis la rentrée de novembre. Dans notre école, la Journée de la laïcité s’est ainsi transformée en un « mois de la laïcité ». Les élèves ont été sensibles à cette initiative et se sont donnés à fond, notamment en chant et en danse. Même nos grands CM2 ! Et tous les élèves d’élémentaire ont participé à la réalisation d’arbres de la laïcité. »

Supports. « Nous avons utilisé tous les types de supports mis à disposition, notamment visuels. Les clips vidéo, comme « Un jour, une actu », parlent beaucoup aux élèves. Les images sur l’égalité et l’équité ont également suscité de nombreuses réactions. Mathis, en CE2, a immédiatement fait le rapprochement avec les élèves qui viennent d’un foyer de migrants. Il s’est montré très sensible à l’importance d’accorder à tous les mêmes chances. »

Tricolore. « D’eux-mêmes, des élèves ont suggéré d’améliorer visuellement la flashmob en portant des masques tricolores ou un tee-shirt bleu-blanc-rouge enfilé sur le manteau. Certains ont même tricoté, avec les parents ou grands-parents, des écharpes ou des bonnets ! »

Demain. « Nous continuerons à chanter et à danser sur « Liberté, égalité, fraternité » des Enfantastiques. Et créer un arbre de la laïcité chaque 9 décembre sera une sorte de repère de nos valeurs républicaines ! »

« En écho aux chamailleries de cour d’école »

Sandrine Vinçonneau et Gladys Pérochon, enseignante et directrice de l’école élémentaire à deux classes Joan-Miro de Chenay (Deux-Sèvres), ont insisté sur les notions d’équité et de vivre ensemble :

« Nous avons l’habitude d’organiser lors de chaque Journée nationale du sport scolaire un atelier « C’est quoi l’Usep » où sont mentionnées les valeurs de la fédération, au premier rang desquelles la laïcité. De cette laïcité, nous en avons reparlé avec les élèves après l’assassinat de Samuel Paty, en étudiant la charte avec eux. C’est pourquoi, afin d’éviter la redite, nous avons axé notre journée du jeudi 10 décembre autour du « vivre ensemble », en éditant un livret pour chaque enfant, comme nous le faisons généralement pour chaque rencontre Usep. »

Équité. « Nous avons choisi deux ateliers sportifs sur l’équité (« Les déménageurs équitables » et « La course équitable ») en écho aux chamailleries de cour d’école liées à cette notion. Après une phase de jeu ou de course avec les règles habituelles, les enfants ont cherché eux-mêmes des solutions pour rendre cette pratique équitable. »

Débats. « Dans un groupe, la discussion s’est ensuite engagée à partir d’une situation type de cour de récréation : « Trois élèves contestent le tirage au sort de la composition des équipes de foot : – Moi je refuse Alceste dans mon équipe, il est trop gros ! – Moi je ne veux pas de filles dans mon équipe ! – Eudes garde toujours le ballon, je ne veux pas jouer avec lui ! Que pensez de cette situation ? » Un autre groupe a abordé ce thème directement, et un troisième sous la forme d’un « cercle samoan » dont sont ressortis les mots « partage », « mixité », « ensemble », que les élèves ont écrit et illustré sur des cocardes qu’ils ont ensuite accrochées dans l’arbre du jardin de l’école qui est à présent notre « arbre de la laïcité ». »

Ensemble. « Dans notre école à deux classes, nous favorisons les journées en commun et nous misons beaucoup sur le fait que les élèves s’enrichissent les uns les autres. Et dans le contexte actuel de non-brassage des élèves en raison du protocole sanitaire, il nous paraissait encore plus important d’en organiser une. Dans chaque atelier sportif, nous avons fait jouer en parallèle une équipe de chaque classe. Ainsi les enfants ont vu que, « même sans se mélanger on peut jouer ensemble ». »

« Faire le lien avec l’extérieur »

Emmanuel Hatton, enseignant de CM2, délégué Usep de secteur et directeur de l’école élémentaire de Châteaumeillant (Cher), où l’action s’est déroulée sur une journée :

« L’objectif n’était pas de leur faire apprendre aux enfants une définition sortie d’un livre mais de travailler sur la notion de laïcité. La réflexion s’est engagée à partir d’une vidéo (« For The Birds »), sous la forme d’un débat avec bâton de parole, parallèlement à des activités coopératives dans la cour : course équitable, tour de Froebel et parachute. La tour de Froebel est un jeu particulièrement intéressant en ce qu’il exige de mettre en place une stratégie, de choisir un leader et de s’écouter les uns les autres. Le parachute favorise aussi la coopération, mais la réussite est plus facile. L’après-midi a ensuite été consacré à la fabrication de l’arbre de la Laïcité.

Supports. « La vidéo est un excellent support pour introduire le débat : elle libère la parole, tout le monde participe… même si c’est parfois pour répéter ce qui vient d’être dit. Le principe du bâton de parole est intéressant aussi mais rompt parfois la dynamique du débat : les échanges sont plus longs, moins réactifs et spontanés. »

Lien avec l’extérieur. « L’intervention d’un intervenant de l’Usep a permis d’apporter une autre vision et de profiter d’un matériel que l’on ne possède pas l’école. Les élèves se montrent également plus concentrés, plus attentifs. Au-delà, cette journée a permis de faire le lien avec l’extérieur et d’élargir le champ culturel des élèves. Car la laïcité ne se vit pas seulement entre les quatre murs de l’école. »

Demain. « Il est possible que nous revenions dans l’année sur ce thème qui figure d’ailleurs au programme du cycle 3, en enseignement moral et civique (EMC) et en histoire pour ce qui concerne les origines du principe de laïcité. Cette notion ne se traite pas en une fois, son enseignement doit être « spiralaire » : on doit l’aborder plusieurs fois dans l’année et le cycle. »

Et ailleurs :

À l’école Jacques-Texier d’Amayé-sur-Orne (Calvados), les enseignants ont associé cette semaine de la laïcité à l’élection des délégués de classe, du CE1 au CM2. « Ce fut l’occasion d’une réflexion sur l’égalité filles-garçons, évoquée également lors du jeu proposé pendant la récréation et les ateliers en classe, explique la directrice, Muriel Salignon. Les jeux sportifs organisés dans le gymnase, comme le parachute, ont également permis d’aborder les notions d’équité et de coopération. »

À l’école du Gran Ban de Clouange (Moselle), l’action s’est déroulée sur deux semaines à travers l’apprentissage du chant et de la chorégraphie, et au moyen de débats où chaque élève s’exprimait sur ce qu’est pour lui la laïcité. Puis, le jour J, les élèves ont accroché sur les arbustes plantés par la municipalité les cocardes qu’ils avaient confectionnées en y notant les mots symboliques de partage, écoute, entraide, respect, amitié, solidarité… « La chorégraphie fut un grand moment : une centaine d’élèves chantant à l’unisson et faisant les mêmes gestes. C’était tout simplement magnifique, résume l’équipe enseignante. Pour les enfants comme pour nous, ce fut un projet fédérateur. Et nous participerons de nouveau l’année prochaine, c’est certain ! »

À l’école de Mailhac (Aude), Annick Rosalen, enseignante de GS-CP-CE1, s’était donné pour objectif « d’aborder avec les élèves les valeurs de la République et d’en souligner l’importance à travers des exemples concrets de la vie l’école. Mais nous avions engagé un travail depuis début novembre dans le cadre de l’EPS, des arts plastiques et de l’EMC. Et je trouve pertinent de parler de la laïcité à chaque fois qu’une situation s’y prête. »