Directrice de l’école de Têche (Isère), Fabienne Girard participe pour la 17e fois au P’tit Tour Usep avec ses CM1-CM2. Convaincue de l’importance du Savoir Rouler à Vélo, elle regrette toutefois que les craintes des parents freinent la pratique d’enfants que les écrans rendent également plus sédentaires.
Fabienne Girard, quand avez-vous rejoint le peloton du P’tit Tour ?
En 2008. J’avais 42 ans et c’était déjà avec l’école de Têche, qui compte deux classes de CE1-CE2 et CM1-CM2 en regroupement pédagogique. Connaissant ma fibre sportive, la conseillère pédagogique de la circonscription m’avait déjà proposé trois ans plus tôt ce projet Vélo citoyen [déclinaison du P’tit Tour en Isère], dont j’avais aussi entendu parler à l’école voisine où étaient scolarisés mes enfants. Mais mon directeur m’avait mise en garde : « Houlala Fabienne, des enfants à vélo sur la route, je ne prendrais pas le risque… » J’avais alors écouté ce que je croyais être la voix de la sagesse…
Avez-vous des souvenirs forts de vos 16 précédentes éditions ?
Beaucoup, surtout de la version initiale du Vélo citoyen, un relais où chaque classe allait porter à vélo son message citoyen à celle d’une autre école, laquelle lui présentait son projet citoyen, et ainsi de suite. Aujourd’hui, 3 ou 4 classes se retrouvent sur un stade et chaque projet est présenté en un quart d’heure alors qu’auparavant les enfants passaient la journée ensemble : c’était forcément plus riche sur un plan pédagogique.
La nouvelle version permet en revanche d’effectuer aussi le retour à vélo…
Mais c’était déjà le cas ! Sauf quand nous avons rallié Grenoble, avec traversée de la ville par les quais. Les enfants n’en revenaient pas eux-mêmes : « Madame, on a fait 50 km en 5 heures ! » Ceci avec des élèves qui, au début, savaient parfois à peine monter sur un vélo ! Et cette année, nos 60 kilomètres aller-retour jusqu’à Moirans se feront à vélo : avec notre entraînement, c’est tout à fait jouable.
Certains enfants viennent-ils à l’école à vélo ?
Un ou deux seulement. Ce qui est triste et paradoxal, c’est qu’ils apprécient nos sorties préparatoires – chaque jeudi après-midi en septembre-octobre puis à partir de mars – mais laissent ensuite leur vélo au garage. Très peu pédalent en dehors de l’école, et cette tendance s’accentue.
Comment l’expliquez-vous ?
La première raison est la forte réticence des parents à les laisser pédaler sur des routes qu’ils jugent dangereuses. La seconde, c’est le repli des activités à l’intérieur de la maison, imaginez pour quoi faire : regarder des écrans.
Est-ce une question de relief et de trafic routier ?
Ici c’est légèrement vallonné, mais toutes ces montées nous les avons faites avec la classe. Et oui, il y a une route départementale un peu circulante, mais bon… Du point de vue des parents, le transport scolaire en car c’est plus facile, sans inquiétude et gratuit. Je pense aussi à ce concours initié par l’Ademe, l’agence de la transition écologique, où il fallait venir trois vendredis à l’école par un moyen de transport non polluant. J’ai proposé aux enfants le vélo, puisqu’ils sont entraînés. Mais ce fut très compliqué à mettre en place, tout comme il devient difficile de trouver des parents ou des grands-parents agréés pour accompagner l’étape du P’tit Tour. Cette année, pour la première fois j’ai dû faire appel au club cyclotouriste de Saint-Romans. Il serait dommage qu’en raison de l’implication déclinante des parents, des enseignants soient tentés de baisser les bras ! Ou de lâcher le guidon, si on préfère !