Des Alpes aux Pyrénées et du Jura au Massif central, les cycles et les rencontres ski demeurent au cœur des activités hivernales des associations Usep des départements de montagne. Si l’enneigement plus aléatoire et la hausse générale des coûts interrogent leur pérennité, les comités font aussi évoluer les calendriers, les pratiques et les formats. Le ski nordique l’emporte désormais sur l’alpin et la découverte prime plus que jamais sur l’esprit de compétition.

Y aura-t-il de la neige pour nos rencontres ? La question tracasse chaque année un peu plus les responsables Usep des territoires de montagne, où le ski est l’activité de saison, fortement identitaire. Sa pratique débute généralement en janvier-février par des cycles de trois à six séances qui mobilisent les associations d’école ou de secteur : ski nordique pour la majorité, ou alpin pour les plus proches des stations dotées de remontées mécaniques. « Dans les Pyrénées-Orientales, les premiers bus de notre opération « 1000 enfants à la neige«  acheminent même les classes dès décembre sur les pistes des Angles et de Font-Romeu », précise le délégué Usep, Jérôme Tabouriech. Cette année cela a débuté ce lundi 11 pour des classes de Cabestany, près de Perpignan. 

En mars, les comités organisent ensuite une ou plusieurs rencontres départementales où les enfants mettent à profit leurs apprentissages dans une ambiance festive. Appuyées sur des partenariats avec les collectivités et les autres acteurs locaux, elles sont des rendez-vous très attendus, à l’image de la Fête de la neige concoctée par l’Usep de l’Ain à Hauteville autour du biathlon, ou du « Trappeur » de Savoie, qui voit des centaines d’enfants sillonner à ski nordique le domaine de La Féclaz-Le Revard en petits groupes autonomes.

Une neige trop vite lessivée et des coûts à la hausse

Toutefois, si les premiers flocons sont autant de promesses, l’inéluctable remontée de la limite pluie-neige lessive cette dernière de plus en plus vite, même lorsqu’elle tombe tôt. C’est particulièrement vrai dans les stations de moyenne altitude, fréquentées par les associations Usep pour d’évidentes raisons de coût et de proximité. Longtemps, celles des Hautes-Pyrénées ont eu leurs habitudes à la petite station de Campan-Payolle, qui avait l’avantage d’être située près de Tarbes. « Nous sommes obligés de nous replier sur celle de Couraduque-Val-d’Azun, à une heure de route », regrette la déléguée Usep, Émilie Ara. Quel que soit le massif, les annulations sont devenues monnaie courante, alors même que ces rencontres ski et neige exigent beaucoup de préparation, de logistique et de moyens humains.

Le renchérissement des transports, et par endroits la remise en question de la gratuité des forfaits, ajoutent aux interrogations sur la pérennité du ski scolaire, liée par ailleurs à l’indispensable soutien des collectivités territoriales. En Ariège, le Conseil départemental finance ainsi les cours des moniteurs ESF et les forfaits, ainsi qu’une partie du transport, avec la volonté de mettre en avant le domaine nordique de la station de Beille, connue pour accueillir régulièrement le Tour de France cycliste.

Le ski nordique plus accessible

Aujourd’hui, à l’Usep la pratique du ski nordique l’emporte largement sur l’alpin – sauf auprès des enfants de maternelle, à qui l’on apprend plus facilement à glisser sur des miniskis qu’à pousser sur de hauts bâtons. Les rudiments techniques sont plus faciles à assimiler, l’encadrement plus aisé, le risque moindre, le forfait d’un coût modeste ou gratuit, et le matériel généralement fourni. Il arrive aussi que les associations alternent d’une année sur l’autre les deux pratiques afin que les enfants expérimentent toutes les glisses.

Le ski de fond se prête également davantage à des rencontres tournées vers la découverte d’un lieu et de son environnement naturel. Et lorsque la terre où les cailloux affleurent, il peut être remplacé par des raquettes, ou une bonne paire de chaussures, sans devoir forcément annuler la rencontre, qui prend alors des airs de randonnée printanière.

Autre tendance forte : si une saine émulation demeure parmi les participants à « La Louve » du Cantal, au slalom départemental de la Savoie ou à la « Transju’jeunes » qui réunit chaque année usépiens du Doubs et du Jura, l’esprit compétitif qui animait à l’origine ces différents rendez-vous s’est partout considérablement dilué.

Des enseignants motivés

Si les activités de neige persistent à l’Usep dans un contexte bien moins favorable qu’il y a quelques années, c’est aussi et d’abord en raison de l’engagement d’enseignants et de parents qui – souvent pour les avoir pratiquées eux-mêmes plus jeunes – savent tout ce que l’elles apportent aux enfants. En Savoie, la Montagne des défis doit par exemple beaucoup à l’investissement d’un professeur des écoles de Peisey-Nancroix, tandis que l’idée d’une rencontre maternelle, programmée pour la première fois en février 2024, a germé au sein de l’équipe enseignante d’une école de Chambéry. Quant aux formations d’accompagnateurs ski de fond organisées les 9 et 16 décembre en Haute-Savoie, elles ont encore fait le plein de parents d’élèves. Le soutien des conseillers pédagogiques, qui souvent sont de fervents adeptes des sports de montagne, est également déterminant.

Le ski scolaire reste ainsi enraciné là où il demeure une pratique de proximité. Si dans le Puy-de-Dôme le comité n’organise plus de rencontres, la tradition est ainsi entretenue par les enseignants du secteur Sancy-Les Hermines, qui jouxte la station de Super-Besse. Idem dans les Vosges, « où les associations de coordination organisent des rencontres qui sont parfois de vraies institutions », souligne le délégué Usep, Victor Demange.

Les enseignants s’attachent aussi à faire le lien entre les activités physiques et sportives et les autres apprentissages. À Saint-Laurent-de-Neste, bourg haut-pyrénéen qui culmine modestement à 600 mètres d’altitude, la pratique du ski s’inscrit dans un projet global autour du milieu montagnard. Après être allés ces dernières années à la rencontre de l’ours et des derniers glaciers, et s’être initiés en parallèle au ski de fond et à l’escalade, à l’initiative d’Alain Houel, enseignant de CM2, les élèves des deux classes de cours moyen affiliées à l’Usep chausseront mi-janvier des skis alpins lors d’un séjour à Piau-Engaly « où les enfants seront à la fois sensibilisés aux enjeux économiques et écologiques du ski, afin d’être conscient de ce qu’entraîne leur pratique ». Et aussi de leur chance, une chance que ne connaîtront peut-être pas leurs enfants.