L’Usep des Pyrénées-Orientales accompagne chaque année un millier d’enfants dans les stations catalanes pour y apprendre en trois jours les rudiments du ski. Mais pas seulement.

«Maîtresse, vous venez dans notre groupe ?» Au pied des pistes de la station de Pyrénées 2000, le choix est cornélien pour Anne Guy. Parmi ses CM2, doit-elle accompagner les experts, les moyens ou les débutants ? Que nul ne s’inquiète : sur la journée, elle aura tout le temps de partager ses descentes, donnant ici un conseil, apportant là son réconfort à celui qui est encore tombé, en soutien du moniteur de l’École du ski français. «Pour une fois, je ne donne pas les consignes !» sourit l’enseignante de l’école Jules-Verne de Torreilles, dont la plupart des élèves n’avaient jamais chaussé de skis. «La première journée, ils enlevaient leurs gants pour toucher la neige, en éprouver la texture.»

Trois journées pleines

Habiter au pied des montagnes sans rien connaitre des joies de la neige est en effet le lot de neuf élèves sur dix des écoles primaires des Pyrénées-Orientales. Dommage pour eux, mais aussi pour les huit stations réunies sous l’appellation Les Neiges Catalanes (1), car ce sont autant de futurs skieurs en moins. Et on sait qu’un enfant qui se débrouille à ski décidera plus facilement ses parents à partir en famille…

C’est pourquoi, il y a six ans, les Neiges Catalanes se sont rapprochées de l’Usep 66 pour construire avec elle le projet «1000 enfants à la neige». Pas une opération de communication, mais un vrai cycle apprentissage sur trois jours entiers, sur trois semaines consécutives, essentiellement sur le mois de janvier. Pour les enfants, se lever à la nuit pour faire 1h30 ou 2h d’autocar n’est pas un problème si c’est pour arriver en station avec le premier soleil. Quant aux parents, ils sont conscients de l’effort consenti par les co-organisateurs (2), avec une participation inférieure à 50 € tout compris (transport, location de matériel, cours ESF), pour un coût réel six fois supérieur.

Réseau d’éducation prioritaire

Un effort particulier porte sur les écoles de Perpignan classées en éducation prioritaire. Comme l’école Émile Roudayre, où trois classes étaient de la partie : les CM2, les Ulis (classe spécialisée accueillant des déficients intellectuels) et les CM1-CM2 de Claire Demaisonneau, avec de nombreux élèves de nationalité ou d’origine étrangère : Albanie, Algérie, Maroc, Turquie… Comme Yakuperen, qui a pour singularité d’être non voyant et qui, fort de l’aide d’une monitrice spécialisée (et d’une première initiation l’an passé), a descendu pistes vertes et bleues !

En outre, les classes perpignanaises ont bénéficié de l’intervention d’une diététicienne venue faire le lien entre une bonne alimentation, la résistance au froid et les efforts du skieur. «Que manger au petit-déjeuner ? Comment composer un pique-nique équilibré ? Nous avons réussi à éviter les paquets de chips et les sandwichs trop gras», se félicite l’enseignante.

Il a aussi fallu convaincre les parents et lever des barrières culturelles : «Beaucoup ne vont jamais à la mer, qui n’est pourtant qu’à 10 km. Alors la montagne et le ski, c’est un autre univers ! Même si, depuis l’école, on aperçoit le mont Canigou. Là, ils ont découvert d’autres sommets, et se sont aperçu que ça n’était pas si loin.»

Climat scolaire

La géographie figure d’ailleurs au premier rang des matières sur lesquelles les enseignants peuvent faire travailler leurs élèves à partir de la pratique du ski. Les 44 classes participantes ont toutes étudié leur trajet, avec visualisation sur Google Maps, et parfois un exercice de maths à la clé. «Rien de mieux que d’examiner un flocon de neige pour un travail sur les différents états de l’eau», pointe Carine Rébujent, qui avec ses CE2 de l’école Jules-Ferry de Thuir met aussi l’accent sur la production d’écrits : «Un récit vécu, lu au-delà du cercle de la classe, c’est le meilleur biais pour encourager la rédaction. Car les textes sont mis en ligne sur l’espace numérique de l’école, ouvert aux parents, et nous avons posté nos témoignages sur les sites de l’Usep 66 et des Neiges Catalanes.»

Carine Rébujent est également intarissable sur les effets sur le climat scolaire de cette découverte collective du ski : «Bien-vivre ensemble, sens de la coopération et de l’entraide, connaissance de soi, goût de l’effort… Et aussi lien avec les parents, que j’invite à compléter le car et qui nous aident grandement pour toute la logistique, et ensuite voient l’école et l’enseignant avec un autre œil.»

Claire Demaisonneau évoque pour sa part «cet enfant turc qui a donné envie à sa maman de monter elle aussi sur des skis, durant une journée de vacances, et qui lui a appris ce qu’on lui avait enseigné». Et aussi «cette gitane, qui n’avait jamais vu la neige, montée en chaussons pour accompagner son enfant scolarisé en classe Ulis». Comme quoi «1000 enfants à la neige», c’est bien plus que des cours de ski. Ph.B.

(1) Espace Cambre d’Aze, Station nordique du Capcir, Font-Romeu/Pyrénées 2000, Formiguères, La Quillane, les Angles, Porté-Puymorens, Puyvalador.

(2) Les services de l’Éducation nationale, la Direction départementale à la Cohésion Sociale, la Confédération pyrénéenne du tourisme, la Ville de Perpignan, l’Usep et les Neiges Catalanes.

Une Fête de la neige pour apothéose. Les écoles ayant participé au projet sont invitées les 22 et 23 mars à une grande Fête de la neige. Pas de ski, mais des activités ludiques, raquettes et rugby sur neige. On y dévoilera aussi le nom de la classe gagnante du concours visant à créer le logo de l’opération. Comme il était suggéré de faire un clin d’œil à celui des différents partenaires, le suspense est intense : le vainqueur aura-t-il des faux airs de l’emblématique bonhomme-crayon de l’Usep ?

Le ski à l’Usep. Le comité Usep des Pyrénées-Orientales est celui qui a déclaré le plus de rencontres de ski alpin en 2016-2017, tandis que les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes caracolent en tête du ski nordique. En dépit de son éloignement des massifs, l’Indre est présente sur les deux tableaux, et la Haute-Marne profite de la proximité des Vosges. Parmi les comités proposant à la fois sorties à la journée et mini-séjours, l’Aveyron privilégie dans un cas la marche en raquettes et le ski de fond, et dans l’autre le ski alpin. En alpin comme en nordique, on recense une douzaine de comités (pas tous les mêmes) où la pratique est «fréquente» (2 à 5% des rencontres), voire «très fréquente» (plus de 5% des rencontres). Des statistiques qui varient d’une année sur l’autre selon l’enneigement… Enfin, certains organisent des raids multi-activités. Comme le fameux Trappeur de la Savoie, qui le 9 mars à La Féclaz placera les enfants en situation d’autonomie (par équipes de cinq) sur un parcours où il pratiqueront ski nordique, raquettes et tir à la carabine laser, avec pour thème l’adaptation de la faune à l’hiver.