De la Journée du sport scolaire au Salon de l’éducation, les reportages réalisés par les élèves de l’école Saint-Ouen de Paris (17e) pour leur journal papier et leur webradio ont incarné le nouveau partenariat entre l’Usep et le Clémi. Comment est né ce projet ? Qu’apporte-t-il aux apprentissages ? Les réponses d’un directeur d’école très impliqué.

Jean-Michel Lagarde, la vocation journalistique de vos élèves trouve son origine dans un journal d’école…

Ce journal, baptisé « La Fourchette » en raison de la proximité de la station de métro La Fourche, existait déjà à mon arrivé dans l’école, il y a 18 ans. J’ai informatisé sa mise en page et l’ait fait perdurer, parce que je crois à ce projet de journal trimestriel auquel la plupart des classes participent. Elles m’envoient leur article que je « monte » sur Publisher avant d’envoyer le fichier à l’imprimeur. Jusqu’il y a peu, nous tirions à 300 exemplaires, soit 1 par élève. Avec la hausse du prix du papier nous nous limitons aujourd’hui à 5 exemplaires par classe, qui tournent dans les familles. Cela revient à 125 € le numéro, c’est raisonnable.

Que trouve-t-on au sommaire ?

Plein de choses ! Les CP parleront par exemple de leur apprentissage de la lecture sur le mode « j’apprends à lire pour… », quand une autre classe racontera sa sortie cinéma.

Et le sport ?

Il a toute sa place, particulièrement dans le dernier numéro, avec les reportages sur la Journée nationale du sport scolaire et la projection-débat du Salon de l’éducation autour de la footballeuse Nicole Abar. Un autre article présente la nouvelle section basket de notre association Usep, dans le cadre des Mercredis du sport. Actualité oblige, depuis un an il y a toujours un sujet lié aux Jeux olympiques et paralympiques, dans le journal et dans notre émission radio. L’école contribue par ailleurs au podcast « 2024, on en parle » de la mission Génération 2024 de l’académie de Paris, pour lequel les enfants ont réalisé un sujet sur la flamme olympique, et un autre sur l’hymne des Jeux.

Comment votre webradio, « La fourchette dans l’oreille », est-elle née ?

Elle fonctionne avec le matériel – enregistreurs numériques Tascam, micros, casques audio et table de montage – financé en 2019 grâce au premier budget participatif de la ville de Paris. Chaque émission, trimestrielle comme le journal, réunit sur une petite demi-heure des éléments sonores fournis par les classes. J’élabore un conducteur que les deux présentateurs s’approprient et retouchent avant l’enregistrement dans notre salle informatique, transformée en studio. Puis le fichier MP3 est mis en ligne sur le site de l’école, pour une écoute en classe ou à la maison.

Quelle est la plus-value du média radio ?

Le travail oral et le reportage. Par exemple, les CP étaient très intrigués par les tranchées creusées devant l’école : eh bien ils sont allés interroger le responsable de ce chantier de remplacement de conduites… De son côté, une classe de CM2 a imaginé un feuilleton sur des choses horribles qui se passent dans les caves de l’école, avec l’aimable participation de la maîtresse et du prof de sport… Les enfants qui ont tendu leur micro à la Journée nationale du sport scolaire et au Salon de l’éducation ont adoré. Interviewer des personnalités comme le basketteur handisport Ryad Salem ou la présentatrice de RMC Sport Flora Moussy, c’est valorisant.

Les enfants s’investissent-ils aussi hors temps scolaire ?

Non. Le périscolaire ne s’est pas emparé de la webradio, même si à l’origine c’était mentionné dans le projet.

La radio, est-ce compliqué techniquement ?

Non. Les enfants se familiarisent vite avec l’enregistreur numérique. Je récupère les fichiers son, et d’autrefois la classe entière me rejoint en salle informatique pour que chacun puisse voir comment s’élabore le montage ou intervenir brièvement. De mon point de vue, le plus compliqué c’est la pédagogie. Dans l’idéal, j’aimerais que journal et radio soient encore plus intégrés aux apprentissages : travailler la grammaire et l’orthographe en retravaillant un article, un commentaire… Cela ne devrait pas venir se rajouter. D’ailleurs, les collègues qui ont préparé avec leurs élèves les interviews de la Journée du sport scolaire et du Salon de l’éducation ont bien vu que les élèves travaillent le français en cherchant sur internet des informations, puis en formulant les questions. En ce sens, la sollicitation du Clémi pour participer à ces deux évènements nous a fait progresser dans l’utilisation du média.

Pourquoi votre école, justement ?

Sans doute parce que nous participons chaque année au concours Mediatiks, que nous avons remporté plusieurs fois, avec le journal et la webradio, et que notre projet s’inscrit dans la durée. Cela dit, jusqu’alors nous faisions plutôt notre truc dans notre coin, sans connaître par exemple l’opération Les P’tits Reporters de l’Usep.

Peut-on mesurer l’impact de ces projets sur les apprentissages ?

C’est difficile. En revanche, le journal et la radio font partie de l’identité de l’école et favorisent le sentiment d’appartenance. À ce titre, l’émission radio enregistrée pendant le confinement a eu un fort retentissement. J’avais sollicité par email des enregistrements réalisés sur smartphone sur plusieurs sujets, dont l’activité physique des enfants. Cette émission était une façon de dire que l’école existait toujours et faisait le lien entre les élèves à travers sa webradio.

Que diriez-vous aux collègues qui souhaiteraient se lancer dans un tel projet ?

Que c’est une belle aventure. La radio, en particulier, plait beaucoup aux élèves et les aide à dépasser leurs appréhensions, leurs timidités, même si pour « mettre en onde » le travail de la classe nous faisons plutôt appel à ceux qui sont le plus à l’aise à l’oral. Sinon, j’ai du mal à quantifier le temps que cela me prend : c’est par périodes, quand il faut boucler ou enregistrer. C’est un projet qu’il faut porter sur la durée, mais qui vaut la peine.