« Comment, à l’Usep, préparer les enfants à faire leurs jeux ? » C’est la question posée aux 130 élus et professionnels des comités réunis du 18 au 21 avril à Aix-les-Bains (Savoie), en préambule à l’assemblée générale nationale. Ce thème fait à la fois écho à la « dynamique 2024 » et à la volonté de « permettre à l’enfant d’être auteur de sa rencontre ». Le spécialiste des sciences de l’éducation Philippe Meirieu sera par ailleurs le grand témoin d’un stage où il sera aussi question de « littératie sportive » et de la maternelle. Programme détaillé avec Geoffroy Noir, vice-président de l’Usep en charge de la Vie pédagogique, de la Recherche et de la Formation.

Geoffroy Noir, à quoi sert le stage des dirigeants organisé tous les deux ans, en amont de l’assemblée générale de l’Usep ?

Ce stage placé en 1ère puis en 3ème année de mandature a pour objectif d’engager le mouvement dans la dynamique du projet fédéral, en travaillant notamment sur les modalités d’accompagnement, afin de le décliner sur l’ensemble des territoires. Nous sollicitons aussi des experts des questions d’éducation afin de réfléchir à leur contact sur nos pratiques, et d’enrichir notre action sportive et associative.

C’est en 2019, lors du congrès des enfants des 80 ans de l’Usep, qu’avait émergé le slogan « Les enfants font leurs jeux ». Quatre ans après, comment se traduit-il dans les rencontres Usep ?

L’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 nous a donné une orientation qui s’inscrit dans la continuité de la rencontre sportive associative, telle qu’elle a été définie en 2017 au stage des dirigeants de Mende. Pour rappel, il s’agit de placer l’enfant au cœur de la rencontre en lui permettant de pratiquer, de penser et débattre, mais aussi de faire pratiquer les autres, de concevoir et d’organiser. Cette notion d’enfant « auteur » de sa rencontre, dans toutes les dimensions de celle-ci, se retrouve dans le slogan « Les enfants font leurs jeux ». Les contrats d’objectifs passés avec les comités départementaux ont porté sur la mise en œuvre de cette orientation, avec pour objectif 2024 rencontres conçues et organisées par les enfants eux-mêmes dans les semaines précédant les Jeux de Paris 2024.

Ce stage conçu autour de 9 heures d’ateliers propose un temps commun de 3 heures sur la dynamique 2024 : en quoi consistera-t-il ?

Il consistera justement à favoriser les modalités d’accompagnement, avec des ressources et des outils spécifiques. Il s’agit à la fois de mutualiser les initiatives de terrain et de s’appuyer sur les actions impulsées par l’échelon national en direction des territoires, l’objectif étant d’offrir une vue d’ensemble.

Parmi les interventions en plénière, celle de Fabrice Delsahut, maître de conférences à l’Inspé de Paris, portera sur la maternelle : sous quel angle ?

Fabrice Delsahut présentera les fondamentaux de l’apprentissage moteur, tant du point de vue du développement que des moyens pédagogiques, en lien avec son ouvrage sur L’EPS à la maternelle. Aujourd’hui, tous les indicateurs sont au rouge concernant la santé des enfants et des jeunes, avec une réduction des capacités physiques corrélée à la progression du surpoids, de l’obésité et à la sédentarité. Or tout se joue au plus jeune âge dans ces apprentissages moteurs traduits ensuite en habitudes, postures et réflexes. Comment engager alors les enfants dans une pratique qui contribue à leur développement moteur ? Et comment leur permettre à leur tour de faire pratiquer d’autres enfants ? Ce sont les questions que nous lui poserons.

La présidente de l’Association générale des enseignants des écoles maternelles interviendra aussi sur le sujet…

Maryse Chrétien apportera une expertise plus générale : comment amener le jeune enfant à prendre en compte l’autre, à se décentrer ? Comment l’engager à faire avec les autres, à organiser pour eux ? Elle fera le lien avec le thème du congrès de l’Ageem, en juillet à Roanne : « Je suis bien à l’école, nous sommes bien ensemble ». Ce bien-être, l’Usep y contribue en rendant très concrets les mots de plaisir et coopération. Maryse Chrétien participera également aux ateliers, où elle témoignera de nos actions partenariales autour de la Journée nationale du sport scolaire et de l’opération laïcité. Un partenariat qui ne devrait pas faiblir quand on sait que le congrès 2024 de l’Ageem s’intéressera à la place du corps dans les apprentissages.

Joseph Gandrieau, jeune enseignant à l’université de Lille, présentera pour sa part le concept de « littératie physique », qui traduit l’idée d’« éduquer les enfants à faire du sport toute leur vie »…

Son intervention sera complémentaire de celle de Fabrice Delsahut, toujours en lien avec cette « inactivité physique » qui questionne directement les acteurs de l’EPS. Le concept de « littératie physique », que Joseph Gandrieau a contribué à diffuser en France et qui est désormais reconnu par l’Unesco, est fédérateur pour les acteurs de l’activité physique et du sport. D’ailleurs, ne rejoint-il pas l’« attitude santé » que promeut l’Usep, avec des outils visant à verbaliser les ressentis et développer les compétences psychosociales des enfants : les compteurs d’activité par exemple, ou bien encore les défis-récrés, qui permettent aux enfants de décliner de façon autonome les 30 minutes d’activité physique quotidienne ? Joseph Gandrieau répondra à la question : « Comment, dès le plus jeune âge, amener l’enfant à prendre conscience des bienfaits de l’activité physique, à la valoriser de façon raisonnée et responsable ? »

L’invité le plus attendu est probablement Philippe Meirieu, présent sur trois jours…

C’est évidemment un grand plaisir d’accueillir Philippe Meirieu, qui a récemment publié un dialogue avec le philosophe Abdennour Bidar intitulé Grandir en humanité. Dans sa conférence, Philippe Meirieu abordera la finalité de l’émancipation de l’enfant et le développement de son autonomie : « comment l’enfant peut-il prendre en compte l’autre, ses singularités, pour pouvoir agir, réfléchir et débattre ensemble ? » La mission particulière de l’adulte sera également évoquée. Formulé de manière académique, cela donne : « devoir de transmission des normes sociales pour favoriser l’insertion de l’enfant dans la société tout en lui apprenant à penser par lui-même et à examiner de manière critique les règles sociales existantes. » Mais Philippe Meirieu ne se contentera pas d’intervenir en plénière. Du mercredi au vendredi, il participera aux ateliers et apportera son regard expert sur notre démarche, nos fonctionnements et nos outils pédagogiques, actuels ou en cours d’élaboration. Il sera à la fois le grand témoin de ce stage des dirigeants et l’un des acteurs de notre réflexion.

 

Trois modules et une plateforme numérique

Les stagiaires se répartiront entre trois modules d’ateliers portant sur la maternelle, la littératie physique et la rencontre sportive associative, devenue « olympique » à l’approche de Paris 2024. Tous contribueront à enrichir l’outil interactif « En juin, les enfants font leurs jeux », développé sur la plateforme Genially afin de faciliter l’implication des enfants dans l’organisation des rencontres. Pour rappel, cet outil regroupe pour les trois tranches d’âge 3-6 ans, 6-8 ans et 8-11 ans des ressources accessibles à partir de plusieurs entrées : « pratiquer et faire pratiquer », « penser-débattre-contribuer-échanger », « créer-pentathlon des arts », « organiser-concevoir » et « inviter-partager-communiquer-restituer ».