Après avoir découvert Casablanca et Marrakech en participant à l’événement L’Usep Maroc bouge le monde, Thierry Laurent et ses élèves de Noironte (Doubs) ont accueilli en retour deux classes marocaines. Un projet récompensé par le prix Francis-Dupont, qui encourage les échanges internationaux à l’Usep.
Thierry Laurent, d’où est venue l’idée d’emmener vos CM1-CM2 au Maroc ?
L’initiative en revient à l’Usep Maroc, qui organisait en 2018 la 2e édition d’une rencontre d’écoles francophones du monde entier. Sachant que j’étais réceptif à ce genre de projet, l’Usep du Doubs m’en a fait part et nous nous sommes assurés de l’appui de l’inspection académique, et surtout des parents.
Quelle était votre motivation ?
Je suis un fervent adepte des échanges internationaux et je voulais profiter de la capacité des enfants de cet âge à faire fi des différences. C’est ensuite, en grandissant, que naissent les préventions à l’égard de l’autre, de l’étranger.
Qu’ont retenu vos élèves de ce voyage au Maroc ?
Ils ont été surtout sensibles à l’accueil dans les familles, avec le sentiment d’en faire partie. Un enfant marocain hébergeait deux enfants de la classe, principe que nous avons ensuite repris. C’est très différent d’une classe de découverte, avec un hébergement collectif. Mes élèves sont devenus amis avec des enfants qui habitent sur un autre continent, avec des références culturelles et des parcours scolaires différents. Et certains continuent d’avoir des contacts directs avec eux.
Comment avez-vous utilisé cet échange sur le plan pédagogique ?
Cela a été un fil rouge. Dès que nous avons su que notre classe était retenue, le Maroc est entré dans nos classes, nos cahiers et notre vie quotidienne. Il a fallu aller vendre des crêpes et solliciter l’aide d’entrepreneurs locaux. En classe, les mathématiques étaient appliquées à notre projet, la géographie aussi, et en art nous avons travaillé sur l’écriture arabe et les zelliges, ces mosaïques caractéristiques de l’architecture mauresque. C’est tout l’intérêt de s’investir dans un tel projet : toute activité finit par avoir un lien avec celui-ci.
Grâce aux nouvelles technologies, via notre tableau blanc et notre vidéo-projecteur, nous avons même échangé avec nos hôtes de Casablanca, et aussi avec des classes de San Francisco ou de Mascate, dans le sultanat d’Oman, avant de les rencontrer sur place.
Pourquoi avez-vous souhaité accueillir en retour deux classes marocaines, lors d’un séjour qui s’est déroulé du 15 au 23 mai ?
Il s’était passé quelque chose de si fort que le souhait des enfants, et de leurs parents, était qu’il y ait une suite. Et ce projet d’accueillir à notre tour des écoliers du Maroc est devenu quasi instantanément celui du village tout entier !
Avez-vous rencontré parmi les parents des réticences à l’idée d’accueillir de petits maghrébins ? Ne serait-ce que parce que l’hébergement et les repas étaient à leur charge, avec des adaptations alimentaires…
L’an passé, certains avaient fait part d’une certaine appréhension à l’idée de laisser partir leurs enfants dans un pays maghrébin et musulman. Mais elles ont vite été levées. Et, cette année, il n’y a eu aucune réticence : le mot maghrébin n’a d’ailleurs jamais été prononcé. Ils accueillaient tout simplement de petits Marocains. Et, à la fin du séjour, tous les parents avaient les larmes aux yeux au moment des adieux.
Quels ont été les moments forts du séjour ?
Le lendemain de leur arrivée, nous avons fait découvrir aux petits Marocains les trois villages de notre regroupement pédagogique2 lors d’une randonnée de 18 km. Ils ont été étonnés, voire choqués par le silence et l’immensité de nos bois : une sérénité qui contraste avec l’univers urbain très bruyant de Casablanca.
L’autre moment fort fut l’excursion aux Rousses, dans le Jura, par un temps exécrable. Nous étions à l’abri pour la visite des caves d’affinage de comté, mais ils ont effectué sous une très forte pluie le parcours commando prévu au programme. Et le soir, au sec, ils avaient le sentiment d’avoir vécu une journée extraordinaire : « Nous nous sommes serré les coudes et nous avons dépassé nos limites », ont-ils expliqué.
Cet échange aura-t-il une suite ?
On y songe. Après s’être rencontré au Maroc puis en France, pourquoi ne pas aller ensemble à la rencontre d’autres classes francophones, à Oman ou au Canada ? C’est ambitieux, mais pourquoi pas !
(1) La délégation comportait 40 enfants : les CM1-CM2 de Thierry Laurent et les CM1 de sa collègue Carole Zabé. La moitié d’entre eux ont participé cette année à l’accueil des enfants marocains, et les anciens CM2 partis au collège ont été conviés à une soirée « retrouvailles » et à des activités sportives.
(2) Noironte est en RPI avec les villages d’Audeux et Chaucenne.