Venus de toutes les régions de France, outremer compris, 80 enfants de l’Usep réunis en congrès national à Paris ont travaillé sur les propositions remontées des territoires afin de rédiger un manifeste. Samedi 22 juin, dans l’amphithéâtre du Comité national olympique, ils en ont proposé un aperçu aux officiels de l’Éducation nationale et du mouvement sportif. Avant de poser à ceux-ci des questions qui n’avaient rien d’innocentes.

Un à un, les enfants appelés se sont levés de leur siège, intimidés à l’idée de s’exprimer à la tribune du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Se faire les porte-parole des 750 000 enfants de l’Usep, c’est une responsabilité… Mais leur voix n’a pas tremblé au moment de donner la primeur à leurs camarades, et aux représentants de l’Éducation nationale et de l’olympisme, de plusieurs préconisations appelées à figurer dans le manifeste par lequel le sport scolaire de l’École publique entend apporter sa contribution à l’héritage de Paris 2024.

Un avant-goût du manifeste

Les formulations restent à peaufiner, mais on sait d’ores et déjà qu’il sera question de « s’engager dans un esprit sportif et solidaire ». D’autres préconisations sont très concrètes : par exemple, « prévoir de venir, le jour de la rencontre, par ses propres moyens, à pied, à vélo ou en partageant le bus ». Ou encore : « veiller à inclure les enfants en situation de handicap ».

Les jeunes congressistes souhaitent que les plus grands organisent « des rencontres pour les maternelles » en allant les chercher « dans leurs classes » avant de « leur expliquer les jeux ». Ils proposent aussi d’inviter les écoles non encore affiliées à l’Usep, « pour leur montrer le fair-play, expliquer les rôles, présenter l’association et les enfants et partager des moments conviviaux ».

Quelques minutes plus tôt, la présidente de l’Usep, Véronique Moreira, rappelait que, « pour ses 80 ans, l’Usep a fait le choix de donner la parole aux enfants ». Le but était qu’ils « expriment leur vision du sport, des Jeux olympiques et paralympiques et des valeurs de l’olympisme », « débattent sur les problématiques d’égalité entre filles et garçons, de citoyenneté, de développement durable », et « vivent l’expérience de la démocratie représentative ». Un programme respecté à la lettre.

Des questions très politiques

Les enfants n’ont pas manqué de profiter de la présence de personnalités pour les interroger. Ils pensaient s’adresser au ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer. Pour cause d’agenda trop chargé, c’est Christian Audeguy, de la direction générale de l’enseignement scolaire, qui le représentait. Les questions n’étaient pas faciles : « Quel est l’avenir du sport à l’école ? » ; et « Est-ce que l’Usep et l’UNSS c’est pareil ? » L’avenir du sport à l’école, le chargé d’études sport du ministère l’annonce « resplendissant ». Et l’Usep et l’UNSS, oui c’est pareil, mais en même temps non c’est différent…

La troisième question n’était pas moins piège : « Dans notre école, nous avons un camarade qui a un handicap moteur. C’est toujours très compliqué de l’emmener avec nous en sport car nous n’avons pas le matériel adapté. Pourriez-vous donner les moyens nécessaires aux écoles d’inclure les enfants handicapés dans les séances de sport scolaire ? » Les enfants sont de fins politiques…

Représentant Paris 2024, Marie Barsacq et Thierry Rey, champion olympique de judo à Moscou – « Vous n’étiez pas nés les enfants ! » –, avaient la partie plus facile. Quoique : « Combien y aura-t-il de sports aux Jeux olympiques de 2024 ? En citer au moins trois », cela sentait la colle…

Pour Nantenin Keita, athlète malvoyante championne paralympique du 400 mètres à Rio 2016, pas de chausse-trapes, mais une question personnelle sur la persévérance dont elle dût faire preuve : « Vous êtes-vous parfois découragée ? »

L’esprit sportif plane sur la salle

Sur le sujet du respect et de l’esprit sportif, la jeune femme leur conta une anecdote remontant à Pékin 2008. La concurrente l’ayant devancée avait légèrement empiété sur son couloir. On lui conseilla alors de porter réclamation afin de récupérer la médaille d’or. « Mais ça n’aurait pas été juste : elle était si loin devant moi… Cette médaille m’aurait fait honte. »

Les enfants firent-ils le lien avec les histoires olympiques dont ils avaient été entretenus la veille ? Celle de Wilma Rudolf, la « gazelle noire », que le sport aida à triompher de la maladie. Celle de Tommie Smith, qui leva un poing ganté de noir pour dénoncer la ségrégation aux États-Unis. Et celle Ben Johnson, héros déchu du 100 m pour cause de dopage…

Un frisson passa parmi les enfants, les enseignants et les parents accompagnateurs, et parmi les officiels installés sur l’estrade. Chacun ressentit combien cela faisait sens de se retrouver là, dans la Maison du sport français, pour fêter l’anniversaire de l’Usep, avant que les enfants ne s’égayent dans Paris pour une rando-découverte et une virée en bateau-mouche. Puis reviennent studieusement peaufiner, le dimanche, un manifeste attendu pour l’automne1.

(1) Afin qu’il ne reste pas lettre morte, le manifeste fera l’objet en octobre, lors du rassemblement des président.es et délégué.es Usep, d’une table ronde élargie à des représentants du sport et de l’éducation.