Dans l’Eure, les débats du congrès des enfants ont été principalement initiés par les écoles labellisées Génération 2024. Le principe : le délégué départemental amorce une réflexion collective que l’enseignant prolonge avec ses élèves pour la traduire en des propositions écrites. Comme à Thuit-de-l’Oison, près d’Elbeuf, où les CM1-CM2 s’étaient réparti les thèmes. La classe de Nathalie Cardon, la directrice, avait choisi l’esprit sportif.
« Que signifie pour vous avoir « l’esprit sportif » ? Exprimez-le en quelques mots, sur un post-it. » Celui qui donne la consigne est le délégué Usep, Olivier Hurel. Un peu plus tôt, sous le regard entendu de leur maîtresse, il a expliqué aux enfants : « Vous allez réfléchir aujourd’hui à vos rencontres sportives : comment vous les vivez et ce qu’on pourrait peut-être changer pour les améliorer. »
Certains se mettent aussitôt à griffonner quand d’autres restent songeurs, le stylo en l’air. Ce ne sont pas forcément ceux qui ont le moins de choses à dire.
Marvyn : « L’esprit sportif, c’est jouer collectif, ne pas râler après l’arbitre et serrer la main des adversaires, même quand on perd. »
Corentin : « C’est être gentil. »
Matéo : « Respecter adversaires et coéquipiers. Ne pas leur dire : « T’es nul, c’est à cause de toi qu’on a pris le but. » »
Jade : « Prendre du plaisir et encourager les autres. »
Sacha (fille) : « Rencontrer d’autres écoles, des personnes inconnues. »
Les prises de parole se succèdent, notamment autour du mot fair-play, sur lequel chacun a son idée.
Le poids du vécu
Au tableau, Olivier Hurel s’efforce ensuite de rassembler les expressions des uns et des autres en une quinzaine d’idées. Puis il distribue aux enfants le Code du sportif de l’Association pour le fair-play : « Lisez les 7 articles, et illustrez ceux de votre choix avec une situation vécue où ils n’ont pas été respectés. Identifiez la cause, expliquez les conséquences, et proposez un moyen d’y remédier. »
La télévision étant un puissant média, le premier exemple à émerger (art. 2 : « respecter les décisions de l’arbitre ») est une péripétie du match France-Argentine de Coupe du monde. « L’entraîneur s’en est pris à l’arbitre parce que son équipe était menée, et ça aurait pu avoir une très mauvaise influence sur les supporters », explique le second Matéo de la classe. La solution ? « Son équipe a égalisé, alors il s’est calmé. »
Certes, mais si ça n’avait pas été le cas ? Noé : « En Usep, on fait de l’auto-arbitrage. Sinon, il y a des cartons rouges et des cartons jaunes, alors pourquoi pas des cartons violets, pour le fair-play ? »
Dans les rencontres Usep, tout n’est pas rose non plus. Exemple avec l’art. 3 : « respecter adversaires et partenaires ». Inès : « L’an dernier, au handball, les garçons de l’équipe nous excluaient du jeu, nous les filles. L’arbitre aurait dû intervenir ! Tout ça parce que les garçons se considèrent plus forts. Et puis il y a ceux qui jouent ensemble en club, et restent entre eux. »
Sacha (fille) : « Quand même, parfois, c’est un problème de démarcation (sic). »
Inès : « Mais je courais, je me démarquais comme il faut, et je n’ai pas touché le ballon du match. Franchement, c’était abuser. »
Moqueries, tricheries et maîtrise de soi
Autre exemple, toujours au handball, mais en club : « On avait perdu, on était déçus. L’autre équipe s’est moquée de nous, on a répondu, et c’est contre nous que ça c’est retourné. Il aurait fallu que les adultes soient plus attentifs. » Or de telles moqueries peuvent dégoûter de pratiquer un sport, « surtout quand on débute ». Meredith a malheureusement constaté de tels comportements au tir à l’arc, et sa voisine en gymnastique.
Concernant l’art. 5 (« être maître de soi en toutes circonstances »), pour sa part Sacha reste marquée par le mauvais exemple donné par ce papa trop passionné. Depuis les tribunes d’un match de basket, il insultait l’arbitre parce que, sur le terrain, sa fille venait d’être exclue pour 5 fautes : « Il faudrait aussi un code du spectateur » s’accordent les enfants.
Quant à Noé, c’est un déni manifeste de l’art. 4 (« refuser toute forme de violence et de tricherie ») qu’il garde en travers de la gorge : « Cette fille avait remporté un concours de gymnastique parce que son cousin faisait partie du jury. On l’a su après, mais elle n’a jamais rendu sa coupe ! »
En la matière, le cas paraît insoluble : que faire, sinon peut-être appeler la police… « Il faut être honnête. » Honnête avec les autres, et avant tout avec soi-même, suggère la maîtresse.
Des propositions à défendre
Pour avoir voulu faire vivre le débat, sans même consulter sa montre le modérateur sait que l’expression des enfants ne se traduira pas dès ce matin par des propositions en bonne et due forme : « Vous les affinerez avec votre maîtresse. Et vous choisirez alors ceux d’entre vous qui, le mois prochain, iront les défendre auprès des enfants d’autres écoles. »
Olivier Hurel ajoute aussi, comme il le fait à chaque fois : « Même si vos propositions ne sont pas retenues à ce congrès départemental, rien ne vous empêche de décider de les appliquer vous-mêmes sur vos rencontres Usep. » Lesquelles rencontres n’en mériteraient que davantage leur double qualificatif de sportives et associatives.