La 16e étape du Tour de France, La Tour-du-Pin-Villard-de-Lans, passe près de Bourgoin-Jallieu et du village de Têche, où des classes Usep participent chaque printemps, avec une quarantaine d’autres, à la déclinaison iséroise du P’tit Tour Usep : le Vélo citoyen, qui a pour particularité de relier des écoles entre elles. Tout au long de l’année, l’apprentissage du vélo est aussi un fil rouge qui rend les enfants autonomes sur la route et offre l’occasion d’aborder différentes matières d’enseignement, expliquent les professeurs des écoles.
Laurent Faure, école Victor-Hugo de Bourgoin-Jallieu : « Une véritable culture vélo »
« Vélo citoyen concerne toutes nos classes de cycle 3. Nous y participons depuis 15 ans, ce qui a permis d’instaurer une vraie culture vélo dans l’école : il n’y a qu’à voir le nombre de bicyclettes garées au parking ! Nous avons même fait la rentrée à vélo, en demandant aux enfants d’apporter leur propre casque, protocole sanitaire oblige, afin de participer l’après-midi à des ateliers dans la cour. Le Dauphiné des enfants, le supplément mensuel du quotidien régional, s’est déplacé pour l’occasion. Précisons aussi que l’école est labellisée Génération 2024 : cela fait partie du projet d’école, dont le Vélo citoyen est un des axes.
Nous disposons d’un parc de 40 vélos qui appartiennent à l’association Usep de Bourgoin. Cela nous a permis de débuter notre premier cycle vélo dès le 8 septembre. Le but est que tous les élèves quittent l’école avec l’attestation de première éducation routière (APER), et aussi le Savoir Rouler, que nous n’avons malheureusement pas pu délivrer l’an passé pour cause de confinement.
Il s’agit d’abord d’apprendre l’équilibre, la maniabilité, les changements de vitesse… Puis nous effectuons des sorties de proximité pour valider l’apprentissage de la signalétique et des règles de circulation sur la voie publique, avant un travail sur l’endurance qui permet de participer à une étape qui peut faire jusqu’à 50 km. Mais le vélo offre aussi l’occasion de travailler les autres apprentissages : maths, français, je ne vous fais pas l’article ! J’apprécie également la notion de rencontre avec les enfants d’une autre école, en partageant un repas, des animations…
Savoir rouler à vélo est important, et l’est de plus en plus : les mobilités douces sont aujourd’hui un impératif. J’ai d’ailleurs le sentiment que davantage de parents se déplacent à vélo, grâce notamment aux récents efforts de la municipalité en matière de parkings et de pistes cyclables. Les enfants, eux, se font offrir un vélo à Noël ou pour leur anniversaire. Vu de notre école de centre-ville, une dynamique est en marche.
Que faudrait-il pour que l’apprentissage du vélo se développe plus encore dans les écoles ? De la formation ! Je suis maître-formateur, et nous avons déjà organisé des formations départementales. Beaucoup d’enseignants se montrent frileux et nourrissent des craintes à l’égard de cette activité à encadrement renforcé. Il faut aussi avoir du matériel et disposer de personnes habilitées à encadrer les sorties. Nous avons la chance, à l’école Victor-Hugo, d’être épaulés par un groupe d’amis retraités qui se renouvelle peu à peu.
Et le Tour de France ? Nous avons développé un projet autour de celui-ci mais, en raison des circonstances, nous n’avons pas pu nous rendre au départ de l’étape. Mais on suit la course… »
Fabienne Girard, école de Têche : « Les enfants progressent sur tous les plans »
« Dans mon école à deux classes, où j’enseigne aux CM1-CM2, le Vélo citoyen est le fil conducteur de l’année. Nous débutons les entraînements vélo dès l’automne et le vélo permet de toucher à toutes les disciplines, au-delà de l’EPS et de l’éducation routière. Nous démarrons avec le vocabulaire du vélo, son histoire et son fonctionnement, dans le cadre des sciences et de la technologie. Je sollicite pour cela un réparateur qui se déplace d’un village à l’autre en camion. Il vient nous présenter son métier, montrer aux enfants comment changer une roue, ou quelles sont les liaisons plateaux-pignons à éviter pour ne pas dérailler…
Nous organisons ensuite des séances d’apprentissage : 8 à l’automne puis 8 au printemps, le jeudi après-midi. Au fil des ans, j’ai noté que de plus en plus d’enfants arrivent en cours moyen sans savoir du tout faire de vélo. Certains le laissent aussi à l’école d’une semaine à l’autre, signe qu’ils n’en font pas le reste du temps. Les premières séances se déroulent dans la cour, puis très vite nous partons pour des boucles de 2 heures autour de l’école, avec le concours de parents qui passent l’agrément nécessaire pour encadrer ces sorties.
L’étape du Vélo citoyen vient couronner cet apprentissage. Cela dépasse le simple fait d’aller d’une école à l’autre, car l’échange avec d’autres enfants est le prétexte à développer un projet en lien, selon les années, avec la préservation de l’environnement, l’apprentissage des gestes de premier secours, le handicap, ou bien encore la création d’une pièce de théâtre.
Il est difficile d’estimer l’impact de nos séances sur la pratique des enfants en dehors de l’école. Je trouve que, dans l’ensemble, les enfants font peu de vélo. Mais parfois ils refont le week-end en famille le parcours du jeudi après-midi. Mes anciens élèves pourraient aussi se rendre au collège à vélo, mais ils ne le font pas. Les parents préfèrent les mettre dans le car de ramassage : ça les rassure. Pourtant, il y a quelques années, dans le cadre d’un projet citoyen qui portait sur les petits gestes à faire pour la planète, un jour les enfants étaient presque tous venus à vélo : ils s’étaient même fixé des points de rendez-vous pour venir ensemble. Ç’aurait été extraordinaire de poursuivre, et ils en avaient envie, mais les parents ont bloqué : ils trouvaient cela dangereux, parce qu’il fallait traverser une route. Pourtant, nous avions appris comment se comporter pour circuler en sécurité… Aussi, si les mentalités sont en train de changer, pour l’instant c’est plutôt en milieu urbain qu’à la campagne, me semble-t-il.
Le Vélo citoyen permet aussi aux enfants de découvrir leur région, et de se situer dans l’espace. Les étapes tournent généralement autour de 30 km, ce qui permet de faire l’aller-retour quand on est bien préparé. C’est pourquoi je commence dès l’automne : les enfants ont le temps de progresser. Et pas seulement physique, sur le plan mental aussi : réussir à monter une côte ou à pédaler 60 km dans la journée, cela nourrit l’estime de soi. Vraiment, le Vélo citoyen, ça anime la classe et fait progresser les enfants sur tous les plans. »