À la règle déconcertante de la passe en arrière, la rencontre Scolarugby imaginée par l’Usep et la FFR pour accompagner la Coupe du monde en France ajoute l’interdiction du plaquage. Afin d’éviter les chocs, celui-ci est remplacé dans les rencontres scolaires par le « toucher deux secondes », temps imparti à l’attaquant pour se retourner et faire vivre le ballon dès qu’un défenseur a posé ses mains sur lui. Récit de la journée d’acculturation qui a réuni quatre classes de CM1-CM2, le 25 mai sur le stade champêtre d’Hermes-Berthecourt (Oise).

« Impossible de se faire mal. » 10 h : après cinq kilomètres à vélo, les enfants du village de Bailleul-sur-Thérain ont rejoint leurs camarades de Hermes et de Berthecourt, arrivés à pied sur le stade intercommunal. Avant d’être brassés dans des équipes de 5 ou 6, tous écoutent dans le rond central le délégué départemental Usep présenter cette journée découverte, l’une des cinq du printemps après celles organisées notamment à Beauvais et Noyon avec les clubs de rugby locaux et des effectifs plus importants. Huit autres rencontres sont programmées en octobre, en pleine Coupe du monde, sous la forme de petits tournois. Les 70 classes participantes auront en effet effectué un cycle rugby de 7 à 10 séances d’EPS, avec des ateliers comme ceux d’aujourd’hui, pour lesquels Laurent Lemaire insiste sur un point : « Comme il n’y a pas de plaquage, vous ne pouvez pas vous faire mal ! Et dès que le défenseur vous touche à deux mains, vous avez deux secondes pour vous retourner et passer la balle à un coéquipier. »

Le carré magique. L’échauffement est identique pour tous : utiliser le stock de ballons pour multiplier les passes dans un « carré magique » d’une quinzaine de mètres de côté. « Pas seulement au copain ou à la copine, mais au premier que l’on croise, toujours en déplacement. Une vraie passe de rugby s’il vous plait, à deux mains et de bas en haut. » Toutefois, le geste n’est pas encore naturel et, sous sa casquette Spiderman, Liam semble croire que ses voisins sont dotés de superpouvoirs permettant d’attraper aisément un ballon arrivant à hauteur de visage… Mais, peu à peu, les premiers automatismes se mettent en place.

Les voleurs de ballons. Les voleurs en question patientent sur un ilot délimité par des plots, au milieu d’un cercle plus large où naviguent les défenseurs. Le but, franchir cet espace pour aller garnir de ballons les cerceaux placés plus loin. Si vous êtes touché, retour au point de départ… Il y a les fonceurs intrépides, comme Mattei, qui a déjà déménagé une douzaine de ballons, et les timides, comme Louane, qui hésite encore à tenter une sortie. Mais une fois lancée, elle récidive aussitôt !

Le relais. Pour susciter l’émulation, rien de mieux qu’un slalom parallèle à trois équipes, ballon contre la poitrine. Arrivé au dernier plot, petit jeu au pied pour soi-même et retour par le même chemin. Puis on aplatit, et un coéquipier prend le relais. La différence se fait moins sur la vitesse de course que sur l’utilisation de ce ballon ovale qui tape souvent le tibia et s’en va rouler de manière aléatoire. Sauf pour Morgan, qui maîtrise le geste à la perfection.

Un contre un. Le b-a-ba du rugby consiste à prendre le défenseur de vitesse ou à contrepied, grâce à ses appuis. En revanche, si on s’arrête, c’est fichu : tel un gros matou face à la souris apeurée, le défenseur n’a plus qu’à attendre son heure. À ce petit jeu, Luisa et Marilou sont parmi les plus hardies. Un atelier jumeau propose la variante à deux attaquants : « Vous êtes touché, et alors ? Pas grave ! Passez vite le ballon à votre coéquipier pour qu’il file à l’essai ! »

Le béret. En guise de béret, un ballon qu’il faut attraper pour aller aplatir sans se faire toucher. Et lorsque ça tarde à se décanter, on envoie un deuxième numéro. « Peut-on faire la passe à son coéquipier ? », demande un joueur. Pourquoi pas : c’est bien dans l’esprit !

Match aménagé. C’est Paul, éducateur sportif à l’Usep Oise après avoir officié au sein du Rugby Club de Compiègne, y compris avec des scolaires, qui anime l’atelier consistant en un petit match aménagé1. Aménagé au sens où le jeune homme interrompt souvent la partie, façon « arrêt sur image », pour expliquer les règles. Par exemple, « pour accorder un essai, il faut qu’il y ait un vrai contact au sol avec les mains ». Derrière ses fines lunettes, Célyna a retenu la leçon et est la première à marquer, tandis que Djimy est déçu d’apprendre que le sien est invalidé pour un en-avant trop flagrant. Il y a aussi cette règle du hors-jeu antinaturelle, tant chacun est tenté de papillonner autour du porteur du ballon. « Cherchez les espaces libres », conseille Paul. Vif comme l’éclair, Nadim ne se le fait pas dire deux fois.

Remue-méninges. L’après-midi offre une alternance de petits matchs à 5×5 et d’ateliers de réflexion. Le Remue-méninges est un débat engagé au moyen d’un bâton de parole circulant de main en main, avec pour thèmes les stéréotypes (sport de filles/sport de garçons), la tentation du dopage ou le fair-play : « Lors d’un match, mon adversaire se blesse en tentant de me plaquer, j’ai le champ libre pour aller marquer… » Le sentiment général est que « c’est le jeu », ce qui ne dispense pas d’aller ensuite s’enquérir de la santé de celui qui n’a pas su vous empêcher d’aplatir.

Géographie et calcul mental. Il faut aussi replacer sur une carte du monde les 20 pays participants à la Coupe du monde. France, Italie, Angleterre, facile. Galles, Irlande, Écosse ou Namibie, c’est déjà moins simple. Mais différencier Fidji, Nouvelle-Zélande et Australie est bien compliqué… L’atelier « score », lui, fait appel au calcul mental à travers des exemples de rencontres aux scores plus ou moins fleuves. Sachant qu’un essai vaut 5 points, une transformation 2, une pénalité ou un drop 3, quel est le score du match ? Pour Angleterre-Japon, cela donne 31-29, indique en un rien de temps Paul, petit bonhomme à calculette intégrée.

Postes. Quant aux postes au rugby à XV, vous parlez d’une colle ! Heureusement, un détour ballon en main permet d’aller consulter l’affichette-antisèche qui mentionne aussi les noms des titulaires de l’équipe de France. Les sourires d’Antoine Dupont et Romain Ntamack sont-ils d’une grande utilité pour distinguer « demi de mêlée » et « demi d’ouverture » ? Jade, qui a parfaitement assimilé la notion de symétrie, préfère cocher les deux cases « pilier » lors de ses deux premiers voyages.

Apprentissage. Que dire des matchs de l’après-midi ? Que cela reste de la découverte et que l’apprentissage ne fait que débuter, surtout pour les CM1 qui, à la rentrée, auront l’occasion de suivre un cycle rugby en EPS. Dans le jeu, certains oublient la règle si peu intuitive de la passe en retrait… Ou alors, pris de court, ils l’appliquent par-dessus la tête, façon geyser, ou up and under. Et il est si tentant d’intercepter le ballon, même en position de hors-jeu… « Les attaquants, essayez d’aller le plus loin possible, si vous êtes touchés ce n’est pas grave ! » Pas facile à intégrer non plus, quand on a l’habitude de jouer à chat dans la cour de l’école…

Formation continue. Le délégué Usep n’en affiche pas moins un visage satisfait. « Les enseignantes elles aussi étaient là pour apprendre, et elles m’ont dit : « On a bien suivi les jeux ce matin, on peut les reproduire.«  C’est de la formation. » Du côté des enfants, la réglette du plaisir offre en revanche un bilan plus mitigé que l’enthousiasme unanime généralement suscité. La majorité a beaucoup aimé ou adoré, mais pas tout le monde. Parmi ceux qui ont bien assimilé les règles, certains ont pu regretter une certaine tolérance à l’égard des entorses à celles-ci. Et puis il y a D., frustré de n’avoir pu « faire des plaquages ».  Pour cela, ce n’est pas en Usep, mais en club. Leur porte est grande ouverte, mais mieux vaut ne pas brûler les étapes.

(1) Tous les autres ateliers étaient animés par les parents et grands-parents accompagnateurs, ainsi que par les maîtresses.

 

« Le rugby, on pense que ça va être brutal, mais non »

« C’est de la vraie découverte. Le rugby, on pense tout de suite que ça va être brutal, du corps à corps, alors qu’aujourd’hui tout a tourné autour du jeu de passes. Ce n’est pas une pratique courante de cour d’école comme le football. Je pense d’ailleurs que mes élèves n’y connaissaient pas grand-chose, sans quoi ils auraient plutôt choisi de défendre les couleurs de la Nouvelle-Zélande que du Japon. Mais placer ce pays sur la carte du monde nous a donné l’occasion de faire de la géographie ! » Anne, enseignante des CM2 de Berthecourt

 

« En route pour la Coupe du monde », le guide

L’Usep et la Fédération française de rugby ont conçu un guide de 40 pages à l’intention des enfants, afin qu’ils puissent tout comprendre de la Coupe du monde. Celle-ci débutera vendredi 8 septembre avec le match d’ouverture France-Nouvelle-Zélande, pour s’achever avec la finale programmée samedi 28 octobre. Les stades, les 20 nations participantes, l’histoire du rugby, les règles principales, l’équipement, les gestes de l’arbitre, les différents postes, les différents types de rugby, la pratique à l’école : tous ces aspects sont abordés de façon simple, avec de petits jeux en complément. Des QR codes permettent également d’aller plus loin. Ce guide proposé sous forme numérique sera envoyé à toutes les associations.