Plusieurs demandeurs d’asile accueillis par l’association La Terre en partage de Saint-Just-le-Martel, à 12 km de Limoges (Haute-Vienne), ont passé l’agrément vélo afin d’encadrer les sorties sur route de l’école, pionnière du Savoir Rouler. Quand l’apprentissage de la bicyclette s’accompagne d’une forme d’éducation civique autour de l’accueil de l’étranger…
Sébastien Peaudecerf, comment est né le projet de permettre à des demandeurs d’asile de passer l’agrément leur permettant d’encadrer les sorties à vélo dans votre école Marcel-Roche de Saint-Just-le-Martel ?
Ce projet est né d’un premier échange autour du maraîchage. Dans le cadre d’activités d’éducation au développement durable, nous sommes allés visiter l’association la Terre en Partage. Installée sur la commune depuis trois ans, celle-ci accueille une vingtaine de demandeurs d’asile qui s’initient au maraîchage le temps que leur dossier soit étudié1. Pour eux c’était une occasion supplémentaire de pratiquer le français, dont ils sont en plein apprentissage, et pour les enfants c’était une ouverture sur le monde, en lien avec l’actualité. De l’éducation civique à travers une meilleure connaissance de l’autre.
Et le vélo ?
Avant même que soit lancé le Savoir Rouler à Vélo au plan national, nous avons développé à l’école l’apprentissage du vélo, avec en parallèle l’animation d’un vélobus, la création d’un club Ufolep qui réunit parents et enfants autour de la pratique loisir du VTT, la participation annuelle à l’équivalent local du P’tit Tour ou encore la création d’un parcours d’apprentissage de la sécurité routière en centre-bourg. De son côté, la Terre en Partage a monté un atelier vélo pour permettre à ses résidents de se déplacer de façon autonome et d’avoir une pratique sportive, pour ceux qui le souhaitent. D’où l’idée de développer ce lien commun en permettant aux demandeurs d’asile d’obtenir l’agrément vélo, que chaque année les conseillers pédagogiques viennent faire passer aux parents et amis de l’école volontaires pour encadrer nos sorties. L’idée est née à la rentrée de septembre, ce qui a laissé le temps aux résidents de la Terre en Partage d’améliorer leur français et d’apprendre le vocabulaire du vélo. Puis au printemps, 12 d’entre eux ont passé l’agrément. Au final, ils sont 5, 4 Afghans et 1 Burkinabé2, à être pleinement investis.
Comment cela s’est-il mis en place ?
Le mercredi matin, jour dédié au vélobus à partir de fin avril, les 37 CM2 sont regroupés dans la cour de l’école avec un enseignant – moi-même – pour finaliser le Savoir Rouler à Vélo que les élèves préparent tout au long de l’année. Les résidents nous accompagnent sur le parcours du vélobus (qui réunit jusqu’à une trentaine d’enfants) et restent ensuite pour m’épauler. Tout le monde se dit bonjour, puis nous avons un petit rituel de vérification de matériel par groupes de deux ou trois enfants, avant de sortir sur la route.
Le samedi 4 juin, deux résidents ont aussi encadré avec vous la « Limousine des enfants » ?
Oui, Hussein et Abdul, ainsi que 3 éducatrices de la Terre en Partage en plus des parents d’élèves présents. La Limousine des enfants, qui est organisée en lien avec la cyclosportive Ufolep du même nom, passe par Saint-Just. Pour les écoles du secteur, c’est notre étape du P’tit Tour. Cette année elle a réuni 120 enfants, dont 13 de la nôtre : c’est moitié moins qu’avant le Covid, mais c’est du hors temps scolaire et il faut un peu de temps pour relancer la dynamique… Cela s’est très bien passé. Les demandeurs d’asile savent exactement quelles consignes donner aux élèves, qui les considèrent comme n’importe quel autre encadrant adulte.
Cet agrément donné à des demandeurs d’asile, c’est une première ?
C’est ce qu’on nous a dit à l’Éducation nationale. Ils l’ont passé en mars, mais nous avons entrepris la démarche dès octobre. Permettre à une personne de devenir un citoyen français passe par l’apprentissage de la langue, par le travail, par l’acculturation, et dans cette intégration je pense que l’école a un rôle à jouer. Cela a été bien perçu. Leur français est encore loin d’être parfait, mais les demandeurs d’asile possèdent aujourd’hui suffisamment de vocabulaire et de structures de phrases pour bien se faire comprendre.
N’avez-vous pas rencontré des réticences de la part de parents ?
Pas du tout, car nous avons porté et expliqué ce projet, qui participe de notre projet d’école. La Terre en Partage est une association très investie dans la vie locale, au-delà des journées portes ouvertes qu’elle organise et de la vente de leur production. Elle fait partie du paysage, les demandeurs d’asile aussi. Nous avons d’ailleurs le projet de développer notre collaboration autour du jardinage : l’école est en cours de réhabilitation, avec un complet réaménagement de la cour, où nous souhaitons créer un potager. L’idée est que les demandeurs d’asile puissent nous faire profiter de leurs connaissances en matière de maraîchage.
(1) La Terre en Partage est précisément un « organisme d’accueil communautaire d’activité solidaire », comme le sont aussi les communautés d’Emmaüs.
(2) Hussein, Jawad, Abdul-Jalil, Masud et Souleymane.
Un projet vélo global
Actif le mercredi jusqu’à fin octobre puis à partir de mai, le vélobus de l’école de Saint-Just-le-Martel fêtera bientôt ses dix ans. Mais c’est tout un écosystème vélo qui s’est constitué autour de l’école et de l’apprentissage de la bicyclette. L’association Ufolep « Just à vélo » y contribue, avec sa pratique loisir parents-enfants du VTT dans un esprit éducatif et la mise en commun de matériel. La commune, où Sébastien Peaudecerf est conseiller municipal, est pleinement partie prenante, à travers notamment l’aménagement d’un bike park dont les circuits à bosses et virages relevés sont utilisés à la fois par l’école et le club. S’y ajoute un parcours cycliste en centre-bourg, parsemé de panneaux de signalisation. « C’est sur ce parcours avec un rond-point, un tourne-à-gauche, un stop, etc., que nous faisons passer l’évaluation du bloc 3 du Savoir Rouler à Vélo », explique Sébastien Peaudecerf.