Y aura-t-il des rencontres sportives associatives cette année ? C’est la question qui taraude nombre d’associations Usep, marquées par l’interruption brutale de leurs activités au printemps dernier, et parfois rendues attentistes par les incertitudes qui planent sur la nouvelle saison. Pour accompagner les enseignants animateurs Usep et les aider à rassurer les parents, le groupe de travail national déjà chargé des e-rencontres propose des formules respectant les règles sanitaires actuelles, tout en restant fidèles à l’esprit Usep. C’est ce qu’explique Jérôme Tarbouriech, membre du GT et délégué des Pyrénées-Orientales, en prise directe avec les réalités de terrain.
Jérôme Tarbouriech, comment le délégué Usep des Pyrénées-Orientales que vous êtes vit-il cette rentrée ?
En juin, nous pensions naïvement, les élus départementaux, mes collègues et moi, que la situation sanitaire reviendrait à la normale en septembre et permettrait de proposer un fonctionnement habituel de l’Usep. Mais, fin août, il était clair que la pandémie allait continuer à impacter notre fonctionnement. Nous avons donc retardé le lancement de la saison à fin septembre, afin de pouvoir nous adapter à l’évolution de la situation.
Et qu’avez-vous décidé ?
Nous avons réduit la diversité et la taille des rencontres départementales : 6 classes maximum sur un stade, et les rencontres impliquant un contact prolongé étroit (jeux d’opposition et acrosport) ne seront pas au programme. Un protocole sanitaire accompagnera chaque rencontre et, dans un premier temps tout au moins, nous éviterons le brassage entre enfants d’écoles différentes. Les enseignants seront incités à organiser des rencontres selon ces principes. Cela étant, sans brassage, quel intérêt de se rencontrer ? Nous avons donc insisté sur les plus-values apportées par l’Usep, comme notre projet Rugby à l’école développé avec l’Usap, le grand club de Perpignan1.
Qu’est-ce qui est le plus problématique : les inquiétudes des parents ou le désarroi des enseignants devant des recommandations sanitaires fluctuantes, voire contradictoires ?
La décision d’adhérer à l’Usep repose avant tout sur les épaules des enseignants, qui reçoivent un flot continu d’informations sur la pratique de l’EPS, par le biais hiérarchique mais aussi médiatique. Ces règles ou recommandations se contredisent souvent. Les enseignants doivent également gérer le stress légitime des parents d’élèves, qui peuvent voir d’un mauvais œil que leur enfant participe à une rencontre sportive. Le risque est donc grand de voir de nombreux enseignants, dans un réflexe contre-productif, faire l’impasse sur l’Usep en 2020-2021. Pour ceux qui hésitent encore, nous nous adapterons : alors que d’habitude, dans les Pyrénées-Orientales, les affiliations sont closes fin septembre, nous permettrons aux associations de nous rejoindre en cours d’année.
Vous êtes donc raisonnablement confiants…
Les projets que nous proposons vont sûrement continuer à intéresser les classes. Mais une autre question risque alors de se poser : si beaucoup d’associations se réaffilient, comment répondre à toutes les demandes ? Car si on réduit la taille des rencontres, il faudra multiplier le nombre de journées…
Le groupe de travail national dont vous êtes membre a réuni dans un document ressource des exemples de protocoles régionaux et départementaux : comment les avez-vous choisis ?
Des comités Usep ont produit et partagé des protocoles très bien pensés et adaptés aux réalités des différents territoires. La diversité de ces protocoles permettra d’aider les autres comités à construire le leur plus facilement. Ce type de document est important pour apporter du crédit et de la confiance aux écoles, aux autorités académiques, mais aussi aux municipalités. L’Usep permet de rompre l’isolement des classes et de créer du lien entre les élèves et entre les enseignants. Dans le contexte actuel, il nous faut plus que jamais continuer à jouer ce rôle.
Vous proposez aussi des modèles de rencontre compatibles avec les règles sanitaires et évitant les interactions physiques entre enfants : randonnée et activités de pleine nature, danse, golf, athlétisme. Pourquoi celles-ci ?
Nous avons souhaité proposer un exemple pour chacun des champs d’apprentissage de l’EPS : produire une performance, adapter ses déplacements à des environnements variés, s’exprimer devant les autres et conduire et maitriser un affrontement collectif ou interindividuel. Ces propositions pourront être étoffées et enrichies, par le GT mais aussi par tout le réseau Usep.
Il y a également un modèle d’organisation commun à l’ensemble des sports collectifs…
La rencontre de sport collectif peut sembler l’activité la moins adaptée au contexte. Le GT a cependant tenu à proposer une organisation par équipes issues de différentes classes : elles cumulent leurs résultats et s’encouragent pour obtenir un score de « club ». Le défi, c’est de réussir ainsi à créer un sentiment d’appartenance. Pour cela, le travail et les échanges entre classes, en amont de la rencontre sera primordial : choix commun du nom du club, fabrication d’un kit supporters (logo, fanion, chant), débat sur le rôle de spectateur et de supporter…. Ce rôle, pourtant important dans la culture sportive, est rarement étudié à l’école.
Mais comment préserver l’esprit de la rencontre sportive associative, qui est lié aux échanges entre enfants d’écoles différentes ?
En mettant l’accent sur l’avant et l’après-rencontre. L’expérience des e-rencontres nous a permis d’oser des communications nouvelles entre les classes et les familles. Pour chaque type de rencontre, il est possible de proposer du lien entre les classes : on peut échanger des règles de jeux, présenter des productions, se lancer des défis, mettre en commun des résultats, etc., tout en respectant le protocole sanitaire.
Ce même groupe de travail a précédemment travaillé sur le concept de e-rencontre, dont l’Usep des Pyrénées-Orientales a été précurseur. Si le contexte épidémique demeure, envisagez-vous d’associer e-rencontres et rencontres physiques dans votre programmation ?
Lors de la journée olympique de juin dernier, l’Usep des Pyrénées-Orientales avait proposé aux écoles des dispositifs « E-RSA » composés de 2 ou 3 classes. Via un groupe WhatsApp auquel j’étais associé, les classes se sont présentées entre elles et se sont lancé des défis. Les photos et les films échangés ont créé un vrai lien entre les élèves et entre les professeurs des écoles, si bien que tous ces enseignants se sont promis de réutiliser la E-RSA pendant l’année, et de la finaliser par une vraie rencontre physique. Ce n’est donc pas le délégué départemental qui envisage d’associer e-rencontres et rencontres physiques, ce sont les enseignants qui le réclament !
Propos recueillis par Philippe Brenot
(1) Les classes inscrites au projet Rugby à l’école bénéficient d’intervenants sur 3 séances. L’enseignant peut participer à une formation spécifique au stade Aimé-Giral et les élèves ont plusieurs rendez-vous en visio-conférence avec le joueur professionnel de l’Usap qui parraine la classe.