Chevilles ouvrières de l’Usep sur leur territoire, les délégués départementaux sont de moins en moins souvent issus des rangs de l’Éducation nationale. Parmi les 24 recrues des promos 2018 et 2019 réunies en stage fin janvier à Voiron (Isère), 17 étaient des salariés de droit privé, souvent passés par la filière Staps. Quel regard portent-ils sur leurs missions et sur les professeurs des écoles avec lesquels ils organisent les rencontres scolaires ? Témoignages croisés d’Émilie Ara (Hautes-Pyrénées), Clément Venet (Ille-et-Vilaine), nommés à la rentrée dernière, et de Simon Duran (Gers) et Pierre-Arnaud Violette (Vaucluse), en poste depuis 18 mois.

Émilie, Clément, Simon, Pierre-Arnaud, quelle est votre formation ?

Émilie Ara : J’ai fait une licence Staps éducation-motricité, puis un master, et tenté le concours de professeur d’EPS avant de passer un brevet d’État de ski.

Clément Venet : J’ai suivi des études de sciences politiques puis le cursus de l’Éspé – devenu depuis Inspé – pour devenir professeur des écoles. J’ai été professeur stagiaire durant quelques mois, avant de choisir une autre voie que l’Éducation nationale.

Simon Duran : J’ai obtenu un BTS de commerce international avant de m’orienter vers une licence puis un master Staps en management du sport, option gestion des entreprises.

Pierre-Arnaud Violette : J’ai passé une licence Staps en activité physiques adaptées, avant d’enchaîner, toujours en Staps, avec une licence professionnelle développement social et médiation par le sport, puis un master en double cursus, Staps et sciences humaines.

Connaissiez-vous l’Usep avant de vous porter candidat au poste de délégué départemental ?

É : J’ai connu l’Usep par le biais d’amis professeurs des écoles.

: Enfant, j’ai fait du sport scolaire sans savoir forcément ce qu’était l’Usep, et aussi accompagné mon père, enseignant, sur des rencontres. Puis, animateur pour la Ligue de l’enseignement, je m’en suis rapproché encore un peu plus.

S : Étudiant en Staps, j’ai suivi des formations proposées par la Ligue de l’enseignement et découvert le secteur sportif, Usep et Ufolep, vers lequel je me suis finalement tourné, sur un poste commun aux deux fédérations.

P-A : C’est par la fréquentation du milieu de l’éducation populaire, lors de mon parcours étudiant et professionnel, que j’ai connu l’Usep.

Quelle vision aviez-vous de la fédération lorsque vous vous êtes porté candidat ? Et comment envisagiez-vous vos missions ?

É : Pour moi l’Usep c’était beaucoup de rencontres et d’activités avec les enfants, mais je suis plus souvent derrière mon ordinateur et dans l’organisation, la gestion, la paperasse !

C : Je connaissais le projet éducatif de l’Usep, et à présent qu’il s’agit de le mettre en œuvre je découvre les contraintes et réalités du terrain. Comme le concept ne doit pas bloquer la mise en œuvre, on bricole un peu parfois.

S : Ma vision de l’Usep se limitait aux rencontres inter-écoles. J’ai découvert la dimension de mouvement d’idées et notre rôle d’accompagnement des enseignants, notamment pour la gestion de projet et la valorisation de leurs actions par la communication.

P-A : J’ai découvert la complexité de communiquer à la fois avec les enseignants, l’institution Éducation nationale, les partenaires…

La rencontre sportive associative de l’Usep, c’était nouveau pour vous ?

É : Pour moi qui viens du sport de compétition, c’est une approche très différente : mettre l’enfant au centre, l’impliquer dans ses apprentissages, le responsabiliser, lui faire expérimenter plusieurs rôles. C’est passionnant, et je ne comprends pas pourquoi tous les professeurs des écoles ne sont pas à l’Usep !

C : Je pensais connaître, mais découvre tous les jours la richesse des outils et méthodes pédagogiques pour parvenir à ces objectifs éducatifs.

S : La rencontre Usep est non seulement singulière, mais aussi facilement adaptable : on peut donner par exemple à une rencontre de sport nature une coloration écoresponsabilité et valoriser les modes de déplacement actifs. On s’adapte aussi aux lieux : stade, gymnase, salle polyvalente…

P-A : Surpris par la forme de la rencontre Usep, non, car j’ai toujours envisagé le sport comme un outil sociétal. Mais j’ai découvert la trilogie avant-pendant-après la rencontre, et le rôle des parents.

Quel regard portez-vous sur les professeurs des écoles ?

É : Ils sont débordés et l’EPS et le sport scolaire figurent rarement parmi leurs priorités. Peu formés, ils apprécient de participer à des rencontres départementales clé en mains, avec un dossier pour préparer les mises en situations. Cela les incite ensuite à faire pratiquer régulièrement leurs élèves.

C : Les enseignants que nous côtoyons ne sont pas forcément représentatifs, car impliqués dans le sport scolaire. Ensuite, on ressent le manque de temps, de formation en EPS, et cet intérêt pour du clé-en-mains. Mais nous devons être attentifs à construire les rencontres avec la participation active des enseignants, afin de ne pas devenir des prestataires. Mais, plus encore que leur formation, c’est le fonctionnement de l’institution qui pousse à ça.

S : Je ressens aussi ce besoin d’accompagnement. Les enseignants sont très à l’écoute de ce que le comité peut proposer, et réceptifs aux rencontres innovantes. Ayant du mal à tout gérer, ils font volontiers appel à nous ou aux comités sportifs partenaires. Cela leur permet de faire découvrir certaines disciplines à leurs élèves, ou d’apporter des variantes à celles déjà pratiquées.

P-A : Je partage le constat : les enseignants sont démunis et manquent de formation initiale. À nous, délégués, de les aider à travers de la formation continue, des outils pédagogiques et du matériel sportif.

Avez-vous ressenti des différences culturelles ?

É : Étant issue d’une famille d’enseignants, pas vraiment !

C : Ayant baigné dans l’éducation populaire, je m’aperçois que cette culture est de moins en moins partagée par les nouveaux enseignants. Monter une association d’école, agir collectivement, pour certains cela semble insurmontable, alors que ce n’est pas si compliqué.

S : Ces différences culturelles surgissent parfois à travers des questions pédagogiques ou de formation. À l’inverse, les enseignants sont très en demande pour ce qui est gestion de projet, surtout les plus anciens.

P-A : Il faut s’approprier certains codes…

Pour finir, que retenez-vous de ce stage commun aux promos 2018 et 2019 ?

É : Venant d’un petit département, les Hautes-Pyrénées, où l’Usep est peu développée, le partage d’expériences est particulièrement enrichissant, au-delà de la découverte des ficelles du métier.

C : On découvre des structurations différentes, on échange, cela donne des billes et fait écho à ma réalité départementale. À voir ensuite comment le développer sur le terrain, en le partageant avec les bénévoles !

S : Je retiens les informations du national, le partage d’outils et de dispositifs, le tout croisé avec les échanges – formels, informels et conviviaux – avec des collègues venant de tout l’Hexagone et d’outremer.

P-A : Participer à nouveau à ce stage, fort de l’expérience et du recul d’une année, permet d’approfondir les choses, notamment à travers des études de cas. Nous sommes au cœur du sujet !