Patrick Lablanche a trouvé dans l’Usep le prolongement naturel d’un engagement entamé dès l’âge de 16 ans aux Éclaireurs de France. Délégué départemental de la Loire depuis 2007, au moment de passer le relai il dresse le bilan de son action et met en lumière les spécificités de la fonction.
Patrick Lablanche, quel cheminement vous a conduit à exercer les fonctions de délégué départemental Usep ?
On peut faire remonter ce cheminement à mon engagement dans le scoutisme laïque, aux Éclaireurs de France. Dès 16 ans, je m’y suis investi et, après l’école normale d’instituteurs et le service militaire, j’ai été mis à disposition du mouvement par l’Éducation nationale pendant trois ans, déjà dans la Loire. Ma culture, ce sont les camps de jeunes et les formations d’animateurs. Puis j’ai regagné le giron dans une école de Saint-Chamond, où il y existait une association Usep. Les similitudes étaient évidentes et je suis aussitôt devenu animateur : c’était il y a 33 ans… Puis, il y a 12 ans, j’ai postulé au poste de délégué, qui se libérait.
Comment définir ce métier particulier de délégué Usep ?
Beaucoup de relationnel avec les associations, les collègues et les partenaires. Du terrain aussi, de la présence sur les rencontres, et du montage de dossiers. Mais si je devais caractériser la fonction par un verbe, ce serait : accompagner. Ne pas être dans l’injonction, mais aider à faire.
Quelle inflexion avez-vous donné au poste en arrivant ?
J’ai profité de la généralisation des outils numériques pour développer la communication avec les collègues. Dans la Loire, l’Usep se pratique exclusivement en temps scolaire, et il est d’autant plus important de faire connaître ce qui se fait ailleurs. Moi-même, j’avais jusqu’alors une vision de l’Usep très locale et très liée à l’EPS : celle d’un animateur de secteur. J’ai découvert les ressources pédagogiques nationales et voulu les faire partager au plus grand nombre. Parallèlement, je me suis attaché à mettre en valeur la spécificité de la rencontre Usep et la place qu’y occupe l’enfant.
Quelle est la nature des rencontres Usep dans la Loire ?
Cela dépend des secteurs. Certains ont la culture des rencontres de masse quand d’autres ont développé une formule de « triplettes », où une classe en accueille deux autres à tour de rôle. Les enfants sont placés en position d’organisateurs et tissent plus facilement des liens avec les autres élèves, qu’ils revoient ensuite. Ces rencontres de proximité tendent d’ailleurs à se développer depuis que l’Éducation nationale a réduit, voire supprimé, les moyens humains qu’elle accordait auparavant à l’Usep. Nous dispositions d’un poste dédié à l’organisation de rencontres, qui était redistribué entre plusieurs collègues. Il a été transformé en remplacements, qui se sont raréfiés… Les rencontres « triplettes » sont moins chronophages, plus faciles à organiser. Et l’enfant y trouve davantage sa place.
Sur votre signature internet, on lit : « directeur départemental de l’Usep » : pourquoi ?
Cela permet d’être mieux identifié de l’extérieur. Mais, en interne, le terme garde pour moi tout son sens : les élus me « délèguent » des missions. Ce qui est compliqué, c’est que nous ne sommes pas dans la même temporalité. Le délégué est au centre de toutes les informations : clairement, cela irait plus vite s’il faisait tout ! Mais son rôle est de transmettre l’information aux élus, de les amener à porter des projets et à prendre des décisions, sans jamais se substituer à eux. Sinon, il n’y aurait plus de vie associative !
Vous êtes membre de l’équipe nationale chargée de la formation des nouveaux délégués : leur profil a-t-il beaucoup évolué ?
Beaucoup. La plupart ne sont plus issus des rangs de l’Éducation nationale mais de la filière sport, ce qui leur confère d’autres compétences mais peut s’avérer un obstacle dans leurs relations avec le milieu enseignant. Y ayant fait toute ma carrière, je peux me permettre de dire qu’il est assez fermé. Ce milieu reste suspicieux envers ceux qui ne sont pas du sérail et n’ont par exemple jamais enseigné l’EPS en classe : sont-ils compétents pour parler de l’école ? Face à un conseiller pédagogique ou à un inspecteur, ils peuvent également se trouver plus en difficulté qu’un enseignant pouvant se prévaloir de son expérience en classe et s’exonérer de tout procès en légitimité. Surtout que les relations avec l’Éducation nationale sont de plus en plus compliquées.
En quoi sont-elles plus compliquées ?
Quand je suis arrivé à ce poste de délégué, les conseillers pédagogiques étaient porteurs de projets et constituaient un vrai relai sur le terrain. Ces projets, l’Usep les porte seule aujourd’hui. Et je suis très heureux quand un conseiller pédagogique vient sur une rencontre, tant cela devient rare. Et puis, les conseillers pédagogiques n’ont pas forcément la valence EPS. Nos collègues souffrent de cela sur le terrain.
À l’heure de la retraite, que retenez-vous de votre action de délégué ?
Je suis content quand les secteurs perçoivent l’utilité du comité départemental, qu’ils expérimentent des rencontres, nouent des partenariats sportifs, participent à des opérations nationales et renouvellent l’expérience l’année suivante. Cela signifie qu’on a réussi à faire passer un message et donné envie de faire.
Comme chez les Éclaireurs de France ?
Comme les Éclaireurs, l’Usep c’est de l’éducation populaire, c’est laïque et c’est mixte. J’ai également trouvé à l’Usep les mêmes relations basées sur la confiance. La bienveillance, convaincre les gens qu’ils sont capables, c’est ce qui fait avancer.
Allez-vous continuer à vous investir à l’Usep ?
Oui, du local au national, si l’on veut bien de moi ! Je vais commencer par accompagner la jeune collègue qui va me succéder et qui, il faut le souligner, est, elle aussi, détachée par l’Éducation nationale pour faire vivre le sport scolaire dans les écoles de la Loire.