Côté pile, Sandrine Jobard préside l’Usep du Gers ; côté face, elle dirige l’UNSS de Haute-Garonne. Gare à la schizophrénie ! Pour éloigner tout risque, l’ancienne conseillère pédagogique EPS use de sa double compétence associative et professionnelle pour rapprocher les deux fédérations, sous les auspices du nouveau cycle 3 et de la liaison CM2-6e. Beau challenge !
Sandrine Jobard, comment se retrouve-t-on à la fois présidente de l’Usep du Gers et directrice de l’UNSS du département voisin de Haute-Garonne ?
Assez logiquement, finalement. D’abord professeure d’EPS en région parisienne, en 1998 j’ai été nommée conseillère pédagogique départementale (CPD) en Haute-Garonne, puis dans le Gers. Là, j’ai découvert l’Usep à travers son délégué, Frédéric Vauthier, membre de l’équipe EPS que j’animais. Nous avons étroitement collaboré sur plusieurs projets et il m’a poussée à entrer au comité départemental, puis à en assumer la présidence. Parallèlement, l’été dernier, j’ai postulé sur ce poste de directrice de l’UNSS en Haute-Garonne, et ma candidature a été retenue.
Qu’est-ce qui vous a décidé à vous engager bénévolement à l’Usep ?
La notion de rencontre, et son volet citoyenneté : amener les enfants à se montrer solidaires entre eux et à s’impliquer dans l’organisation. Et aussi cette culture de l’échange entre enseignants. En cela, participer au stage de formation initiale de formateurs s’est révélé déterminant. La formation est mon métier, mais j’ai découvert à l’Usep une façon d’animer qui s’interroge sur la place de l’enfant, et aussi de l’enseignant : comment construire avec lui ? À l’Éducation nationale, la formation est généralement très descendante : on distribue des photocopies et l’on délivre le maximum d’information dans un temps réduit. L’Usep m’a appris qu’on peut le faire de manière plus efficace, plus participative, avec des techniques qui favorisent la prise en compte des spécificités de chaque stagiaire.
Est-il simple de cumuler les deux fonctions, même si l’une est bénévole, et l’autre professionnelle ?
La difficulté réside moins dans ce partage que dans l’heure et quart de voiture qui me sépare de mon bureau ! Impossible désormais de passer à l’Usep en milieu ou en fin de journée, ou d’être présente sur les rencontres comme lorsque j’étais CPD. Mais ma vice-présidente a pris le relais sur le terrain, et aussi repris mon poste de CPD d’ailleurs. Elle n’y pensait pas, mais je l’ai incitée à se porter candidate. Comme ça, nous restons dans la continuité !
Qu’est-ce distingue fondamentalement l’Usep et l’UNSS ?
Tout le monde connaît la différence de fonctionnement, à savoir que l’UNSS fait partie du service du professeur d’EPS. Les coordonnateurs de district, l’équivalent des délégués Usep de secteur, perçoivent aussi une indemnité. Surtout, à la différence de l’Usep, ce qui structure l’UNSS, c’est l’organisation de compétitions, avec un même cahier des charges du local à l’international.
Et ce qui rapproche le sport scolaire du 1er et du 2nd degré ?
Les activités nouvelles qui sont proposées de plus en plus souvent par les animateurs d’association sportive UNSS. J’ai ressenti cela en travaillant avec les coordinateurs de district à l’élaboration du Plan de développement du sport scolaire, qui n’existe pas encore en Haute-Garonne. Parallèlement au modèle « championnat de France », beaucoup souhaitent s’adresser aux élèves davantage motivés par le vivre-ensemble et l’entretien physique.
Une autre passerelle réside dans la formation de jeunes officiels, avec leurs 6 rôles : arbitre ou juge, coach, organisateur, reporter, dirigeant et secouriste. Le lien avec l’implication des enfants dans la rencontre sportive et associative de l’Usep est évident.
Je pense enfin au « sport partagé » avec les jeunes en situation de handicap. Ce sont des compétitions où sont engagées des équipes handi-valides. C’est très codifié, et cela va jusqu’aux championnats de France. Mais, en Haute-Garonne, il s’agit de journées spécifiques qui font écho à la rencontre inclusive Usep.
Comment la directrice de l’UNSS que vous êtes favorise-t-elle ce rapprochement ?
En organisant par exemple un stage « cycle 3 » sur l’académie de Toulouse. Fin janvier, il a réuni durant deux jours des enseignants d’EPS et des professeurs des écoles, associés par « bassin d’éducation » avec un CPC ou CPD. Renforcées par le délégué départemental Usep, ces triplettes ont travaillé sur un projet de rencontre sportive associative. Sur 8 départements, 4 étaient représentés : Ariège, Gers, Tarn-et-Garonne et Haute-Garonne (avec 2 équipes).
Et la mayonnaise a pris ?
Les professeurs d’EPS sont arrivés en se demandant un peu ce qu’ils faisaient là. Mais ils sont repartis enthousiastes, avec l’envie de faire. Pour cela, il faut apprendre à se connaître, et se familiariser avec les outils des uns et des autres. Cela passe par des formations communes, pas toujours faciles à organiser, entre les contraintes propres à l’Usep, à l’UNSS et à la Dafpen, la Délégation académique à la formation des personnels de l’Éducation nationale.
Comment votre engagement à l’Usep est-il perçu à l’UNSS ?
Certains m’ont peut-être regardée comme une bête curieuse, et d’autres se sont montrés très intéressés. C’est ce que j’ai ressenti dans un séminaire de cadres nationaux… Mais l’inverse est vrai. En apprenant ma promotion, certains se sont gentiment moqués : « Ah oui, tu pars faire de la compet’… » Et, au rassemblement Usep de rentrée, j’ai participé au groupe de travail sur le cycle 3, mais sans dire que j’étais directrice UNSS. Je craignais qu’on me considère comme une taupe…
Quel est le frein principal au rapprochement Usep-UNSS ?
Décliner la liaison CM2-6e dans une rencontre sportive Usep-UNSS ne va pas de soi. Je m’explique : un professeur d’EPS veut développer avec ses élèves de 6e un projet associant une classe de CM2 ? Très bien ! Mais l’enjeu, c’est la rencontre sportive, qui incarne et donne tout au sens à ce rapprochement. La difficulté, c’est que la dimension de classe, très présente à l’Usep, n’existe pas à l’UNSS. Hors temps scolaire, organiser une rencontre commune c’est jouable, mais sur le temps scolaire, c’est beaucoup plus difficile. Or, pour prendre l’exemple des deux départements du Gers et de la Haute-Garonne, dans le premier je n’ai jamais connu de hors temps scolaire, et dans le second il est malheureusement en déclin.