Dans le Tarn, l’Usep propose des rencontres « coopétitives » où les enfants régulent eux-mêmes les différences de niveau entre équipes. Pour Patrick Lamouroux, conseiller pédagogique départemental en EPS, c’est un des moyens de proposer des rencontres sportives scolaires véritablement inclusives et citoyennes.

Patrick Lamouroux, l’Usep du Tarn organise des rencontres « coopétitives ». De quoi s’agit-il ?

Les rencontres « coopétitives » se veulent « sportives, associatives, équitables, inclusives, citoyennes », pour reprendre les termes de la convention Usep-UNSS. Mais énoncer cette ambition ne suffit pas : tout dépend de la façon d’organiser les conditions de la confrontation. Par exemple, pratiquer un sport collectif n’est pas forcément synonyme d’éducation à la citoyenneté. Avec l’équipe des conseillers pédagogiques EPS du Tarn, à laquelle l’Usep est associée, nous partons du principe selon lequel les rencontres sportives scolaires ne peuvent être la version simplifiée des compétitions proposées par les autres fédérations.

Pourquoi ?

Parce qu’à la différence du sport en club, à l’école les pratiques physiques ont un caractère obligatoire : tous les enfants y prennent part. Nous nous devons aussi proposer une pratique émancipatrice, en accord avec les valeurs de l’école, la première d’entre elles étant le respect des différences. Cela pose la question de la règle : doit-elle être immuable, ou les enfants peuvent-ils l’adapter, dans le but de préserver l’incertitude du résultat ?

On peut composer des équipes de même niveau…

Certes, mais ce n’est pas la solution la plus pertinente. Nous proposons à la place de compenser les inégalités de niveau par des règles offrant à chacun la possibilité de gagner. C’est cela, l’esprit des « défis coopétitifs » qui rythment les rencontres du même nom : relancer l’intérêt d’une partie quand une équipe domine l’autre. Un esprit que nous avons notamment insufflé dans la pratique du football et du basket scolaires.

Comment cela fonctionne-t-il ?

Comme dans un jeu de société, on tire des cartes jokers, baptisées « coup d’éclat » et « coup de pouce ». L’équipe qui domine au score a le choix entre deux options : rendre la confrontation plus difficile pour elle (en se donnant un handicap), ou permettre à l’autre de marquer plus facilement (en adaptant la taille des buts par exemple). Au passage, on inverse la logique selon laquelle c’est le plus faible qui réclame justice. Là, on s’adresse aux plus forts en leur disant : « En continuant comme ça, de toute façon vous allez gagner. Lancez-vous plutôt un défi au cours duquel vous éprouverez plus de plaisir ! »

Une rencontre coopétitive est-elle plus compliquée à préparer pour un enseignant ?

Non, je ne crois pas. C’est davantage une question de représentation. Si un enseignant considère « sport » et « éducation physique » comme des synonymes, il aura en effet du mal à entrer dans cette logique. Le sport règle les problèmes de niveau par des catégories d’âge, de sexe, ou une hiérarchie entre divisions : c’est pourquoi on sépare Jeux olympiques et Jeux paralympiques. Or, à l’école, les enfants en situation de handicap doivent pouvoir participer comme les autres. Et à y regarder de près, il existe d’autres différences selon l’origine sociale et le vécu de chacun : impossible par exemple pour des débutants de rivaliser avec les copains de l’école de foot. La distinction fille-garçon reste également très marquée, et il est absurde de demander : « Soyez sympas les gars, faites des passes aux filles… »

À l’inverse, ce modèle coopétitif peut-il convaincre des enseignants de faire pratiquer le football à leurs élèves ?

Je l’espère. Le fait que l’Usep a participé à l’élaboration du concept, à son expérimentation, et inscrit à son calendrier des rencontres coopétitives, en témoigne également. Et un enseignant ne peut être indifférent au souci affiché de favoriser le vivre-ensemble, en permettant à chacun d’éprouver du plaisir au travers de la pratique physique et sportive. Malheureusement, la place accordée à l’EPS dans la formation des professeurs des écoles est de plus en plus réduite. Or, pour entrer dans ce type de dynamique, il faut auparavant s’être interrogé sur les rapports dialectiques entre l’EPS et le sport, sur la différence entre égalité et équité, ou bien encore sur l’adaptation de la forme d’une rencontre à l’âge des enfants. Les défis coopétitifs ne sont pas une recette : il faut comprendre ce qu’il y a derrière.