Enzo Lefort, champion du monde et olympique du fleuret, est le héros d’un manga que la fédération d’escrime utilise pour rajeunir son image auprès du jeune public. Quand l’intuition d’un éditeur rejoint une communication fédérale en lien avec les interventions des maîtres d’armes dans les écoles.
Inaugurée par un premier tome paru en novembre, la série Enzo est née d’un pari entre le directeur des éditions Blacklephant et son escrimeur de fils : contacter Enzo Lefort, champion olympique du fleuret par équipe à Tokyo, pour lui proposer de faire un manga sur sa vie. « Enzo a accepté, à condition de mettre en avant la dimension collective », raconte le co-scénariste, Tony Lourenço, plus habitué à des BD de facture classique, avec un goût pour le sport marqué par de précédents ouvrages sur le basket et les Jeux olympiques.
Jeune trentenaire tout auréolé de sa médaille d’or, Enzo Lefort s’est alors replongé dans son parcours : son enfance en Guadeloupe, la révélation de l’escrime devant les exploits de « la guêpe » Laura Flessel aux Jeux d’Atlanta 1996, les enseignements de son premier maître d’armes, son arrivée en métropole… « J’ai agencé tout ça pour proposer un arc narratif comportant tous les ingrédients d’un bon scénario : l’élément déclencheur, le mentor, l’adversaire, le climax », résume Tony Lourenço. Ajoutez-y le sens du suspens et du flashback, couplé au trait nerveux de la dessinatrice, Madana, et voilà un récit haletant dont on attend avec impatience les deux autres tomes, qui s’échelonneront jusqu’à Paris 2024.
Quatre enfants ambassadeurs de la fédération d’escrime
Une contrainte est toutefois apparue en cours d’écriture : intégrer quatre personnages d’apprentis escrimeurs, deux filles et deux garçons choisis et prénommés Lou, Mia, Antoine et Owen par la Fédération française d’escrime, entrée en piste entre-temps. « Quand Enzo nous a fait part du projet le concernant, nous réfléchissions justement à rajeunir l’image et l’imaginaire de l’escrime auprès du public d’âge scolaire, en cherchant du côté de la BD et du manga, avec l’idée de personnages incarnant notre discipline », explique Jean-Denis Gitton, responsable de la communication à la FFE, tout en soulignant le « potentiel médiatique » du jeune fleurettiste.
Par la grâce du scénario, les quatre amis et leur coach se voient miraculeusement offrir un voyage aux Jeux de Tokyo. Après avoir croisé leur idole à l’entrée du village olympique, ils vibrent à ses exploits depuis les tribunes, sans masque. Les auteurs ont en effet pris quelques libertés avec la réalité puisque, comme cela est mentionné en fin d’ouvrage, ces jeux nippons se sont déroulés sans public pour cause de pandémie. Happés par l’action, les lecteurs ne leur en tiendront pas rigueur.
L’enjeu n’était d’ailleurs pas seulement narratif : la FFE a accompagné la sortie d’Enzo d’une vraie campagne de communication. Les quatre personnages, dont elle a acquis la propriété, apparaissent désormais « sur les diplômes délivrés par les maîtres d’armes à l’issue des cycles de six séances de notre opération « Escrime à l’école« , qui a touché l’an passé 32 000 élèves », précise Jean-Denis Gitton. T-shirts, mugs, sweat-shirts et autres gourdes à leur effigie sont également disponibles sur la boutique en ligne de la fédération.
Le filon du manga sportif
Le manga sportif serait-il un bon filon ? Tony Lourenço, 47 ans, se présente comme appartenant à la génération Olive et Tom (Captain Tsubasa en version originale), série consacrée au football et référence du genre. Haikyuu !!, dédié au volley-ball, marche aussi très bien en France, surtout depuis qu’il a été décliné en film d’animation : l’afflux de jeunes dans les clubs à la rentrée 2021 serait d’ailleurs davantage le fruit de cet engouement que du titre olympique d’Earvin NGapeth et de ses coéquipiers. « Sur l’escrime, il existait aussi un manga baptisé En garde, mais dans un genre très fille, avec un dessin plus doux, beaucoup d’histoires d’amour et peu de combats » confie le scénariste.
« Promouvoir une discipline et le sport auprès des enfants, à travers le goût de l’effort, du dépassement de soi, le respect de l’adversaire, le soin de son corps : c’est ce que nous nous efforçons de faire, avec un support ludique et un langage adapté aux jeunes. Tout en rappelant que le jeu prime sur l’enjeu, comme l’exprime lui-même Enzo », insiste Tony Lourenço. Et si demain d’autres éditeurs et fédérations reprennent l’idée, qu’ils et elles s’inspirent aussi de ce brief !
Enzo, Blacklephant éditions, 2022, 176 pages, 7,90 €.
L’escrime, bien installée à l’Usep
En 2021-22, 41 délégations Usep étaient en relation avec leurs comités d’escrime respectifs et ont mené des actions partenariales. Au total, 117 rencontres ont été organisés dans 40 départements, à l’initiative des comités ou des associations. Ces rencontres venant finaliser un cycle de pratique ont concerné près de 400 écoles pour 16 300 participations enfants. Ces statistiques ne prennent cependant pas en compte les ateliers de découverte de l’activité proposés lors de rencontres multisport ou en périscolaire, grâce au matériel envoyé dans les comités à l’occasion de l’opération partenariale « Escrime-toi pour 2010 ! ». Lancée en accompagnement des Championnats du monde au Grand Palais, celle-ci avait été déterminante pour la diffusion de l’activité en milieu scolaire, jusque dans les écoles les plus rurales.