Plus de 400 classes Usep ont engagé un bateau dans la course virtuelle du Vendée Globe 2020, en partenariat avec la FFVoile et l’application Virtual Regatta. Parmi ces 8 800 moussaillons de l’ère numérique, on retrouve les CM1 de l’école Marcelle-Nadeau de Cozes (Charente-Maritime), vainqueurs l’an passé de la mini-Transat Usep avec leur enseignant Denis Barbin. Au programme : trois mois de navigation pour donner du sens aux apprentissages scolaires.
Denis Barbin, vous avez engagé vos CM1 dans la course virtuelle Usep du Vendée Globe 2020 : en avez-vous d’abord discuté avec vos élèves ?
Le projet pédagogique a été proposé en début de l’année aux élèves et à leurs parents, qui sont toujours intéressés par ce genre de projets : ils nous font confiance. Pour les élèves, cela a l’attrait de l’aventure, et puis cela s’est su que notre bateau avait remporté la course Usep l’an passé… Ce sera la troisième fois que nous participons avec ma classe à l’une de ces courses virtuelles, après la Route du Rhum et la mini-Transat.
Cela rejoint-il un goût personnel pour la voile ?
Oui. Je suis inscrit dans un club de Meschers-sur-Gironde, où j’ai découvert le plaisir de la navigation, ses valeurs et son esprit. J’y ai découvert en premier lieu que la voile apporte des ressources mentales : on devient plus solide psychologiquement, car sa pratique exige d’analyser rapidement la situation, et de trouver des solutions.
Quel intérêt y trouvez-vous sur le plan pédagogique ?
C’est un projet à long terme qui permet de transmettre les valeurs d’engagement et de solidarité entre les élèves : écouter, proposer, quitte à se tromper, et réussir dans ses choix. C’est aussi ce qu’un enseignant recherche dans les échanges sportifs vécus à travers le sport scolaire Usep.
On explique volontiers qu’engager sa classe dans une course au large virtuelle permet de travailler l’informatique, les mathématiques, les sciences, l’histoire-géo, l’expression orale et écrite… Pouvez-vous donner des exemples concrets ?
L’application informatique que mes élèves utiliseront le plus est Google Earth, pour l’observation des pays et des îles tangentes aux routes maritimes, en lien avec la géographie et la connaissance des continents. S’y ajoutent tous les outils qui permettent de correspondre avec la classe d’un collègue de Royan pour se soutenir, s’encourager, prendre des nouvelles sur le tchat de l’application Virtual Regatta. Côté sciences, la course permet d’aborder la force éolienne et d’établir le lien avec les énergies renouvelables. Enfin, les enfants sont invités à lire des documents spécifiques en lien avec le monde maritime, à se familiariser avec le vocabulaire spécifique de la voile, et à produire des écrits variés sur le thème du voyage. Ce faisceau d’habiletés et de compétences donne du sens aux apprentissages et fait prendre conscience aux élèves que l’école apporte des connaissances utiles. Ils ont parfois du mal à saisir les tenants et aboutissants de notions qui, hors contexte, peuvent leur sembler abstraites. Là, on est dans le concret, et apprendre n’a plus rien d’un concept virtuel.
En tant que capitaine, quelles prérogatives laissez-vous aux enfants ?
Effectivement, l’enseignant se retrouve capitaine du navire car il peut valider ou invalider des choix tactiques, anticiper tel ou tel événement. Il peut aussi laisser la liberté du choix d’un cap ou de la voilure, en lien avec la vision à court terme permise par l’application Virtual Regatta. Il peut ensuite réajuster, car la classe et lui-même visent un bon classement : c’est l’esprit de la course, qui suscite l’émulation et s’accompagne d’un petit stress qui aiguise l’attention et l’engagement de chacun.
Au niveau de l’autonomie, j’ai aussi déjà laissé la liberté de manœuvre à des élèves volontaires le week-end, tout en gardant un œil bienveillant sur leurs choix tactiques, lesquels doivent être réalisés à temps. Il est aussi arrivé que certains oublient un peu de s’en occuper…
Vos élèves ont-ils aussi l’occasion de s’initier à la voile ?
Les classes de cycle 3 de la communauté d’agglomération de Royan, dont nous faisons partie, ont la chance d’être initiées à la voile à travers 4 journées, en fin d’année pour ce qui nous concerne. C’est un lien fort avec notre participation à la course de Virtual Regatta.
Par rapport aux courses transatlantiques, la spécificité d’une course autour du monde comme le Vendée Globe est sa durée, avec un record établi à 74 jours : cela change-t-il votre approche ?
Cela nous donnera le temps d’apprendre les fondamentaux de la voile. Cette navigation au long cours sera davantage propice aux essais, aux approfondissements et à la conduite des objectifs pédagogiques du projet. En même temps, il faudra veiller à éviter toute lassitude chez les enfants. Le Vendée Globe sera différent de la mini-Transat, qui par sa brièveté s’apparentait à un sprint, et peut-être dérogerons-nous au point quotidien qui était la règle l’an passé.