Deux fois reportée, la rentrée scolaire s’est effectuée lundi 27 janvier à Mayotte dans des conditions dégradées, un mois et demi après le passage du cyclone Chido. Et qu’en est-il des activités de l’Usep ? Le point avec le président du comité, Issmaila Ahamed Madi1.
Issmaila, combien de licenciés l’Usep Mayotte comptait-elle à la rentrée 2024 ?
5532 licenciés enfants et 194 adultes, dont une quarantaine de parents d’élèves. Ces bénévoles animent notamment des rencontres sportives le samedi. Parallèlement, à la suite de discussions avec la Drajes et le Conseil départemental, nous bénéficions depuis deux saisons de 9 animateurs en parcours emploi compétences (PEC, emplois aidés). Ceux-ci ont eu une formation d’un mois sur l’organisation d’une rencontre sportive associative et la façon d’animer des activités avec les enfants. Ils aident les enseignants à organiser des rencontres, en temps scolaire et hors temps scolaire.
Comment l’Usep fonctionne-t-elle à Mayotte ?
Nous sommes organisés en cinq secteurs, animés par un enseignant référent. Nos employés apportent leur concours pour les rencontres de proximité initiées par les associations et sont tous sollicités pour les rencontres départementales. La saison passée, nous en avons organisé une trentaine.
Avant même le passage du cyclone Chido, les actions étaient-elles déjà entravées par la situation sociale, l’insécurité et la crise de l’eau ?
Ces difficultés sont très « palpables », mais on fait avec ce qu’on a : des stades sans point d’eau ni toilettes par exemple. Depuis Chido, c’est encore plus compliqué, mais ça ne nous empêche pas d’organiser nos manifestations.
Quelle est la situation dans les écoles, alors que la rentrée de janvier s’est déroulée le 27 janvier, deux semaines après la date initialement prévue ?
Les problèmes se sont accrus et accumulés. Au lendemain de la rentrée, 39 écoles primaires sur 213 n’ont pu rouvrir, dont 10 écoles Usep. À cela s’est ajouté une grève des enseignants motivée notamment par l’état et la sécurité des locaux. Ceux-ci, qui déjà n’étaient pas toujours aux normes, ont été fragilisés par le cyclone et les intempéries. Souvent, des bâches remplacent les toits arrachés, ou alors ce sont de simples « pansements », dénoncent les syndicats. Beaucoup d’enseignants sont aussi en grande difficulté dans leur vie quotidienne et ont peu profité d’une aide orientée en priorité vers les bangas en tôle, où habitent principalement les étrangers en situation irrégulière.
Et l’Usep ? Quel est l’état des locaux ? Est-elle en mesure de mener ses actions ?
Le toit de notre siège de Mamoudzou a été arraché mais le propriétaire a refixé les tôles et ajouté une bâche en attendant les réponses des assurances. Mais l’eau s’est infiltrée, deux ordinateurs et le vidéo-projecteur sont « partis » et la photocopieuse est hors-service. Les animateurs, eux, sont tous à leur poste, en prévision notamment de l’utilisation de l’aide exceptionnelle qui nous a été accordée. Nous avons déjà organisé trois randonnées où les enfants se rendent compte de l’ampleur des dégâts provoqués par ce phénomène météorologique qu’est un cyclone « dopé » par le réchauffement climatique. Chido était deux fois plus puissant que le précédent cyclone comparable que nous avons vécu en 1984. Les animateurs ont également proposé d’organiser des activités exigeant peu de moyens, de la pétanque par exemple.
La Ligue de l’enseignement, l’Ufolep et l’Usep ont signé le 8 janvier avec la direction de la jeunesse, de l’éducation et de la vie associative une convention de financement exceptionnelle sur l’année 2025. Pour l’Usep, le montant est de 100 000 euros. Avez-vous déjà touché cette somme et comment comptez-vous l’utiliser ?
La somme n’a pas encore été versée mais doit l’être bientôt. Elle n’a pas été précisément fléchée mais doit financer des actions « au bénéfice des enfants mahorais ». Nous en avons débattu en comité directeur et l’objectif est de multiplier par deux le nombre de rencontres Usep. Il s’agit aussi de permettre aux enfants de se déplacer, de sortir de leur village. Comme les adultes, ils ont aussi été atteints moralement et nous pensons que la découverte d’autres lieux peut les aider à se projeter et à dépasser les difficultés du moment. Cette subvention pourra enfin contribuer à la formation de nos agents et à la pérennisation de postes.
Le document de travail préalable prévoyait une répartition des actions de l’Ufolep et de l’Usep selon les zones géographiques…
En effet. La Ligue de l’enseignement et l’Ufolep souhaitaient intervenir prioritairement là où elles sont présentes à travers des accueils collectifs éducatifs de mineurs. L’Usep interviendra donc en priorité dans le nord de l’île, qui est la zone la plus touchée : plus précisément dans les communes de Mtsamboro, Acoua, Mtsangamouji et Tsingoni, et aussi sur l’île de Petite Terre. À l’Usep, nous avons l’avantage d’être mobiles et de pouvoir organiser des rencontres sportives et culturelles un peu partout. Nous répondrons également aux demandes de la préfecture d’intervenir sur les communes de Mamoudzou et de Koungou. Partenaires de l’Éducation nationale, nous interviendrons toutefois de façon ponctuelle auprès des écoles non affiliées, et de manière plus durable auprès des écoles Usep.
(1) Issmaila Ahamed Madi est président de l’Usep Mayotte depuis 2018 et à la retraite depuis 2022, après une carrière d’enseignant durant laquelle il en fut le délégué, de 1996 à 1998 puis de 2002 à 2012.
Une cagnotte pour l’Usep Mayotte
Parallèlement à l’aide accordée par les autorités pour relancer dès à présent des activités auprès des enfants mahorais, l’Usep nationale a lancé sur la plateforme HelloAsso une cagnotte en ligne au bénéfice du comité de Mayotte.
Sans présager de l’utilisation des fonds ainsi recueillis auprès de notre réseau, le témoignage du président du comité, Issmaila Ahamed Madi, éclaire les besoins des associations d’écoles et de celles et ceux qui les animent : « Les 100 000 euros de la subvention exceptionnelles seront investis dans les rencontres sportives. Mais, à côté, dans les villages, des enfants ont perdu leurs fournitures scolaires, leurs habits... Au sein de la communauté Usep, des gens sont en souffrance et nous interpellent : au moins 250 familles sont dans le besoin. Nous souhaitions aussi faire un tour de Mayotte pour rencontrer nos bénévoles, mais nous avons renoncé : notre vocation n’est pas de distribuer des denrées alimentaires comme les ONG, mais en même temps, si nous nous déplaçons les mains vides, c’est compliqué… »