L’Usep, les Cémea et l’Association pour l’enseignement de l’EPS ont co-signé le 12 mars dans Libération une tribune qui insiste sur le rôle de l’éducation physique dans le développement des enfants. Parallèlement, deux syndicats enseignants, le Snep et le SNUipp-FSU, publient une étude sur les « écoles vitaminées à l’EPS », tandis que des Assises nationales de l’EPS réuniront les 26 et 27 mars à Rennes tous les acteurs concernés, dont l’Usep. Décryptage avec Véronique Moreira de ces positionnements et concertations qui prennent place dans un contexte électoral.

Véronique Moreira, pourquoi avez-vous co-signé avec Philippe Meirieu pour les Ceméa, et Fabrice Paindavoine pour l’Association pour l’enseignement de l’EPS, une tribune « Pour l’accès de tous à une culture corporelle de qualité » qui prend « l’éducation physique » comme « point d’appui » ?

Parce que nos nous partageons la même crainte de voir disparaître l’EPS à l’école. Nous sommes préoccupés par le glissement vers des dispositifs invitant à « bouger » (les 30 minutes d’activité physique quotidienne) ou ouvrant la porte à l’intervention des clubs sportifs. Cette menace sur l’éducation physique et sportive concerne directement l’Usep, qui prolonge l’EPS dans un cadre associatif.

Ce positionnement s’appuie aussi sur une même conception de l’EPS et du sport scolaire, qui ensemble constituent un point d’appui pour le développement des compétences motrices de l’enfant et, plus largement, de son émancipation : devenir une « totalité agissante », comme le formulent certains pédagogues. Pour nous, il n’y a pas de séparation entre les activités pour le corps et celles pour l’esprit, EPS d’un côté et maths et français de l’autre. Développer les compétences motrices, c’est développer l’être tout entier.

Nous estimons également qu’il importe avant tout de susciter chez le jeune enfant l’appétence pour l’activité physique, sans faire entrer en compte des notions de compétition et de performance qui viendront en leur temps.

Cette tribune se présente comme une contribution aux premières Rencontres nationales de l’éducation populaire organisées du 17 au 19 mars à Poitiers…

Oui, parce que nos trois mouvements – l’Usep à travers le sport scolaire, les Cémea dans le cadre de la formation des animateurs de camps de vacances et l’AE-EPS dans la promotion de l’enseignement de l’éducation physique – inscrivent leur engagement dans le cadre de l’éducation populaire. Nous souhaitons que tous les enfants aient accès à une éducation physique de qualité que, pour sa part, l’Usep prolonge dans un cadre associatif qui leur permet aussi de vivre une citoyenneté en actes.

La tribune mentionne les « alliances éducatives » à l’école figurant dans la récente loi sur le sport…

Nous avons en effet souhaité faire référence à cette disposition de la loi sur le sport afin de ne pas masquer notre inquiétude devant une approche libérale et l’intervention de prestataires privés. À quoi cela va-t-il aboutir ? L’enseignant va se désengager du projet et laisser faire l’intervenant extérieur. Pour nous, un projet sportif doit au contraire être intégré dans le projet de classe et le projet d’école. Et, pour qu’il le soit vraiment, il importe que ce soit l’enseignant qui pilote l’EPS (éventuellement avec l’appui d’un intervenant), et si possible en prolongeant son enseignement à travers des rencontres de sport scolaire. Cela a une tout autre valeur à nos yeux que des séances d’une activité sportive délivrées sous la forme de prestations et sans lien avec les autres apprentissages.

Parallèlement à cette tribune, le Syndicat national de l’éducation physique (Snep) et le Snuipp-FSu ont rendu public un rapport portant sur 27 écoles « vitaminées à l’EPS ». Des écoles qui, deux fois sur trois, possèdent une association Usep…

Cette étude rappelle, à travers des exemples de terrain, l’intérêt d’articuler l’EPS et l’Usep dans un projet sportif cohérent : développer les compétences motrices de l’enfant et lui permette de les exprimer lors d’une rencontre associative qui se rapproche de la situation culturelle de référence – athlétisme, handball, rugby, etc. –, sans que la recherche de la performance n’exclue personne.

L’Usep participe aussi les 26 et 27 mars aux Assises nationales de l’EPS, qui proposeront la synthèse d’une consultation nationale dont l’un des axes portait précisément sur l’école…

Cette consultation nationale s’est appuyée sur des débats en région. L’Usep a invité ses militants à y exprimer leur point de vue sur l’articulation EPS-Usep. À Rennes, l’Usep participera plus précisément à la table ronde sur « l’opérationnalisation de l’EPS à l’échelle d’une communauté éducative ». Nous sommes là au cœur de la question des « alliances éducatives ». Nous n’en rejetons pas le principe : sans l’avoir formulé ainsi, depuis toujours l’Usep est le pivot d’alliances éducatives réunissant plusieurs partenaires, collectivités locales et clubs et fédérations sportives. Mais il s’agit de projets co-construits avec les enseignants, et non d’un simple sésame pour des intervenants extérieurs.

Ces différents rendez-vous interviennent dans le contexte de l’élection présidentielle. Comment l’Usep y fait-elle entendre sa voix ?

Nous avons adressé aux différents candidats un plaidoyer que nous espérons également remettre directement à ceux qui participeront ce jeudi 17 mars au débat organisé par le Comité national olympique et sportif français. Nous avons également été contacté par les équipes de certains candidats. Notamment – pourquoi ne pas le citer – par celle de Jean-Luc Mélenchon, qui a retenu parmi ses mesures la création d’une association sportive dans chaque école, disposition supprimée à notre grand regret dans la rédaction finale de la loi sur le sport. Si l’Usep n’a pas vocation à se positionner pour un candidat ou une candidate, nous pouvons cependant nous féliciter que certains soient attentifs à nos préoccupations.