Faute de pouvoir partager avec des écoliers parisiens les « Usépiades 75-93 » initialement prévues pour la Semaine olympique et paralympique, c’est dans leurs écoles déjà ou bientôt labélisées Génération 2024 que des classes de Saint-Denis et de Saint-Ouen se sont initiées au breakdance et au skateboard.

Le skateboard et la breakdance sont, avec l’escalade et le surf, les disciplines ajoutées au programme des Jeux olympiques de Paris 2024. C’est bien d’innover et d’adresser ce clin d’œil à une jeunesse friande de nouveauté et de sports à sensations. Encore faut-il lui donner les moyens de s’y initier.

C’était précisément l’intention des comités Usep de Paris et de Seine-Saint-Denis en concoctant l’édition 2022 de la rencontre organisée conjointement depuis 6 ans pour la Semaine olympique et paralympique. « Le Covid nous a contraints à adapter le projet, tout en en conservant l’esprit », explique Romain Zuliani, conseiller pédagogique départemental EPS1. C’est finalement dans leurs écoles respectives que les enfants se sont lancés dans une chorégraphie hip hop et ont apprivoisé cet animal revêche et fuyant qu’est une planche à roulettes. Comme mardi 25 janvier à l’école Anatole-France de Saint-Denis.

 Entre breakdance et hip hop

Répartis en trois rangées sous leurs t-shirts colorés, les enfants font face à Sarah et Dominique, les chorégraphes de la Compagnie Relief, qui eux portent bonnet, sweatshirt large et bas de survêtement ample. Rien qu’à la dégaine, on se doute que ce ne sera pas une séance sportive comme les autres. « Aujourd’hui, on ne fera pas du break, une heure c’est trop court pour travailler les figures au sol. Mais on reste dans la famille avec du hip hop », précise le duo avant de lancer sur la sono TKN, de Travis Scott, featuring Rosalia pour le parfum latino. Un morceau choisi parce qu’il est « très découpé, avec plusieurs arrêts ». Des « breaks », en anglais.

Les enfants sont en terrain connu. Andréa Vinuesa, l’enseignante, propose en effet chaque année en EPS un cycle danse à ses CM2 : « C’est un moyen d’expression qui aide à dépasser la timidité. Et le hip-hop et le break, ils connaissent grâce à TikTok. La « choré«  que nous avons créée lors de notre séjour scolaire en Dordogne a même servi de modèle à la flash mob qui réunit toute l’école pour Noël. » La directrice, Fabienne Hamel, qui dans un instant s’échappera de son bureau pour juger sur pièce profiter, est d’ailleurs professeure de danse…

« Lâche, lâche, puis rebondis, rebondis, scande Sarah en se déhanchant afin que les enfants abandonnent leurs dernières raideurs. On libère le bassin, puis le haut du corps, on dit oui avec la tête, et maintenant on a les mains qui brûlent… » Dominique les invite de son côté à théâtraliser leurs attitudes : « Les pieds campés au sol, les yeux se projettent loin comme dans un film de super héros, les oreilles grandes ouvertes pour se nourrir de la musique, tu sens que tu es un géant. » C’est bien ce que s’imagine le petit Walid, qui lance un regard qui tue derrière son avant-bras replié comme s’il se protégeait d’un bouclier, façon Captain America.

Après une série de mouvements syncopés, changement de registre avec un passage tout en souplesse. « On descend et on fait le petit chat, assis sur ses talons. On écoute bien et on s’arrête sur « mi » avant de remonter en deux temps, détaille Sarah. Et on gagne la médaille d’or pour Anatole-France ! » Nous n’en sommes pas encore là, mais à présent réunis avec les élèves de monsieur Zaïdi, qui les ont précédés dans l’exercice, ils épatent la galerie. Celle des personnalités municipales, départementales et olympiques venues découvrir en fin de matinée ce mystérieux breaking adapté à la sauce hip hop.

Comme sur des roulettes

L’après-midi, on passe du préau à la cour. Activité skate pour les CM1 de Mesdames Louise Bastin et Marie Mourabian, qui précise : « La plupart des enfants ne connaissaient pas du tout. Et moi, dans ma jeunesse, j’étais plutôt roller. »

Avant même d’entrer dans le vif du sujet, le harnachement ravit la petite troupe. Enfiler casque, coudières, genouillères, protège-poignets : ce rituel prend du temps, mais il met dans l’ambiance. Ultra motivés, Enaël, Diego et Sofiane sont les premiers prêts. Et comme pour toute activité sportive, on commence par s’échauffer avec des assouplissements et une course de haies où les skates, peu espacés et posés sur la tranche, constituent de vrais pièges. Après une première séance d’initiation et avant celle de perfectionnement, Clément, l’éducateur de la Fédération française de roller et skateboard, fait réviser les fondamentaux, à savoir poser un pied, puis deux, sur la planche, sans qu’elle ne se dérobe et vous envoie valser comme si l’on glissait sur une savonnette.

Dounia s’en inquiète, elle qui était absente la semaine passée. Mais en plaçant bien sa basket sur les vis de l’essieu avant, tout devient simple. Dounia tombe une fois, deux fois, sans broncher, et trouve enfin le bon équilibre. « Ensuite on positionne les pieds de manière perpendiculaire à la planche, les orteils et les talons qui dépassent un peu, pour tourner à droite ou à gauche en inclinant les chevilles. » Quand on a compris, c’est comme si l’on tenait un gouvernail.

Puis les choses se corsent. Il faut à présent se baisser pour ramasser des coupelles : les meilleurs en récupèrent plusieurs en un seul passage. On en termine enfin avec un parcours qui débute comme un slalom géant et finit comme un spécial, avec au milieu un stop impératif. « Le skate se pratique souvent dans la rue. Alors il faut savoir s’arrêter net, c’est une question de sécurité », insiste Clément.

Pour peaufiner la technique, skate et breakdance n’attendent plus que leur livret pédagogique Usep. 2024 approchant à grand pas, ça ne devrait guère tarder.

(1) Romain Zuliani est aussi élu national Usep, en charge du suivi des labels Génération 2024 et Terres de Jeux, des Cités éducatives et de la carte passerelle développée avec le Mouvement sportif. En Seine-Saint-Denis, 50 classes étaient inscrites à la SOP 2022 pour décliner le projet Tous à Pékin. S’y ajoutaient des projets locaux, comme celui commun à 6 classes parisiennes et dionysiennes.