Conseillère pédagogique départementale EPS en Isère, Fabienne Garnier, 52 ans, est aussi secrétaire adjointe du comité Usep et présidente régionale Auvergne-Rhône-Alpes. Est-ce toujours simple à concilier ? Et comment l’éducation physique et sportive et le sport scolaire s’adaptent-ils au contexte sanitaire ?

Fabienne Garnier, est-il simple de concilier ses missions professionnelles au sein de l’Éducation nationale et un engagement associatif fort à l’Usep ?

Ce qui va de soi pour moi, c’est de faire partie du monde de l’EPS à l’école. Mes deux parents, aujourd’hui retraités, étaient professeurs d’EPS – mon père enseignait à l’IUFM1 de Saint-Étienne. J’ai toujours fréquenté les gymnases et baigné dans l’ambiance des activités physiques et sportives. J’ai ensuite découvert l’Usep que lors de ma formation de professeure des écoles dans le Puy-de-Dôme, où j’ai animé le sport scolaire dans la plupart des écoles où je suis passée. Puis je suis arrivée en septembre 2014 en Isère comme conseillère pédagogique EPS sur la circonscription de Voiron 1, l’une des 21 que compte le département, avant de postuler en 2018 au poste de conseillère départementale qui se créait.

Selon les territoires, la collaboration entre l’équipe EPS et l’Usep est plus ou moins étroite…

Mon premier réflexe en arrivant sur la conscription de Voiron fut de contacter mon prédécesseur pour lui demander comment se passait la collaboration avec l’Usep. Mon arrivée a d’ailleurs coïncidé avec celle d’un nouveau délégué départemental2, qui m’a proposé d’intégrer le bureau du comité. En Isère, la présence de l’Usep est moins affirmée que dans le Puy-de-Dôme, mais il y a des secteurs actifs et des gens très investis. Par ailleurs, un engagement associatif en entrainant souvent un autre, je suis aussi depuis peu élue au Comité régional olympique et sportif Auvergne-Rhône-Alpes.

L’équilibre entre rencontres en temps scolaire et hors temps scolaire est-il parfois questionné par l’Education nationale ?

Chaque comité ou association Usep développe l’un ou l’autre, ou les deux, selon ses choix et ses moyens. Je n’ai pas le sentiment que ce soit une question pour l’Éducation nationale qui, aujourd’hui est davantage préoccupée par le manque d’activité physique des élèves et les problématiques induites : le temps passé par les écrans, la sédentarité, l’obésité…

Depuis deux ans, comment avez-vous adapté vos missions professionnelles au contexte sanitaire ?

Moins de formations en présentiel, voire plus du tout, et des visioconférences à la place… Nous n’en sommes toujours pas sortis, sans parler du manque de moyens de remplacement, et donc de la moindre disponibilité des enseignants. Une formation à distance pour développer le projet Vélo citoyen, déclinaison locale du P’tit Tour Usep, ce n’est pas satisfaisant !

En quoi ces formations Vélo citoyen consistent-elles ?

Il s’agit de deux journées inscrites au plan de formation départemental, l’une pour le sud du département, l’autre pour le Nord Isère, avec le plus de pratique possible en plus du travail des différentes thématiques transversales. Car le préalable au déploiement du projet est l’apprentissage du vélo avec ses élèves. Or une visio ne peut remplacer ça ! Pour 2022, nous avons comme chaque année une cinquantaine de classes inscrites et deux stages prévus fin mars, que nous espérons pouvoir maintenir en présentiel dans le cadre du plan de formation. Sinon, nous proposerons avec l’Usep un mercredi après-midi de formation sur la base du volontariat.

Comment l’Usep s’est-elle elle-même adaptée au contexte sanitaire ?

On a découvert l’intelligence collective des délégués départementaux, qui ont imaginé de formidables outils, comme les salles virtuelles, qui au moins sont un acquis de la pandémie ! Il s’agit de plateformes numériques où les enseignants et les animateurs Usep vont piocher très facilement des ressources en ligne. Cela leur permet de proposer des rencontres in situ, dans les écoles, et de maintenir de l’activité, même si ce sont des rencontres « classe par classe », à distance. Actuellement, les rencontres sans brassage sont autorisées et maintenues quand c’est possible, en respectant le protocole sanitaire.

La Semaine olympique et paralympique 2022 pourra-t-elle se dérouler normalement ?

En Isère, un des temps forts de la SOP est la participation à la Foulée Blanche, la grande course nordique du plateau du Vercors, qui propose le mercredi un parcours pour les enfants des écoles. Comme il n’est pas envisageable de réunir tous les enfants le même jour, tout au long du mois chaque enseignant vient avec sa classe. C’est une journée avec une « couleur » Usep : on n’est pas seulement sur la performance, il y a aussi un travail sur l’environnement et un questionnaire santé. Mais le département est grand et il y a une diversité de projets, initiés localement par les écoles Génération 2024 et les territoires labélisés Terres de Jeu. Par exemple, à l’Isle d’Abeau, près de Bourgoin-Jallieu, les enfants de l’école Usep La Peupleraie vont bénéficier des interventions des fédérations de tennis et de tennis de table. Nous proposons également à l’ensemble des écoles d’utiliser la « salle virtuelle SOP 2022 » créée par le comité régional Usep, en lien avec le dispositif Tous à Pékin.

Vous avez mentionné l’environnement, qui est avec le climat le thème d’année de la SOP. Au-delà, comment l’Usep Isère y sensibilise-t-elle les enfants tout au long de l’année ?

L’environnement est une thématique présente sur toutes les actions de l’Usep, comme ce fut le cas en septembre pour la Journée nationale du sport scolaire. On tend également vers le zéro déchet et l’on favorise les déplacements doux. La nouvelle mouture du Vélo citoyen en est le meilleur exemple : auparavant, les enfants allaient de leur école à une autre et rentraient en car. Désormais, plusieurs écoles convergent vers un même point de rendez-vous puis rentrent à vélo.

L’Usep Isère relaie aussi les 30 minutes d’activité physique quotidienne à l’école, dont l’Éducation nationale a également fait une priorité, à travers un défi « Bouge ta récré ». Avec quel écho ?

L’Usep propose en effet sur son site un onglet qui donne accès à des ressources, mais cette action est essentiellement portée par l’Éducation nationale, avec notamment des demi-journées de formation à destination des enseignants de la Cité éducative de Grenoble-Échirolles. Certains militants Usep voient toutefois dans les 30 minutes d’activité physique quotidienne une porte d’entrée pour les fédérations sportives et ont le sentiment que le projet Usep n’est pas soutenu de la même façon… Cela dit, nous nous sommes appuyés sur les outils de l’Usep, mallette santé et défis-récrés, qui sont à décliner à l’école mais aussi à la maison. Les inspecteurs (IEN) veulent donner les moyens aux enseignants de faire bouger les élèves. La directrice académique des services de l’Éducation nationale (Dasen) a remarqué qu’il n’y avait parfois quasiment plus d’éducation physique et sportive. Il nous incombe à présent d’observer s’il y a réellement une évolution des pratiques : les pauses actives, ce n’est pas encore dans la culture enseignante. Mais nous allons attendre un peu pour mener ces évaluations sur le terrain : ces jours-ci, les enseignants ont d’autres urgences.

Combien y a-t-il de postes de conseiller pédagogique départemental EPS en Isère ?

Nous sommes deux et travaillons en binôme. Ma collègue est professeure d’EPS alors que je suis professeure des écoles de formation. Même si elle porte l’essentiel du second degré, nous échangeons sur l’ensemble des dossiers EPS pour lesquels nous avons établi une répartition : par exemple, à elle le Savoir Nager, à moi le Savoir Rouler.

Comment vous projetez-vous sur les prochains mois, comme CPD EPS et comme dirigeante Usep ?

Il n’est pas aisé de répondre. On sent un essoufflement général des enseignants, une grande lassitude, à laquelle d’ailleurs nous n’échappons pas. Et en tant que présidente du comité régional Usep, comment ne pas s’inquiéter lorsque nous n’avons actuellement que la moitié des licenciés. Nous étions en Auvergne-Rhône-Alpes à plus de 90 000 enfants, nous sommes à 45 000. Il n’est pas simple de relancer les dynamiques locales quand le contexte sanitaire empêche toujours d’organiser les rencontres Usep dans les conditions habituelles. Les enseignants sont également submergés par la gestion du contexte actuel. L’Usep passe après, même si on essaie de leur dire que ça peut être une bouffée d’air. Certains sont dans cet état d’esprit et proposent la pratique de l’EPS à l’extérieur, en lien avec les projets Usep. Mais beaucoup sont las. Le premier confinement avait suscité un sursaut et de multiples initiatives. Mais là cela devient trop long, et derrière l’essoufflement pointe aujourd’hui le désengagement.

(1) Institut universitaire de formation des maîtres, devenu Inspé, Institut national supérieur du professorat et de l’éducation. (2) Didier Battistini, auquel a succédé Pascal Lacroix.

L’accordéoniste donne le « la » dans les bals d’enfants

Fabienne Garnier est aussi musicienne et participait dans le Puy-de-Dôme à un projet porté par les enseignants nommé Tradamuse : « J’ai initié ces bals d’enfants dans ma circonscription de Voiron à travers des stages de formation. Puis, lorsque ces bals ont moins eu leur place à l’Éducation nationale, je me suis tournée vers l’Usep, où ils sont devenus un projet départemental, avec là aussi des formations d’enseignants pour apprendre des danses à enseigner ensuite à leurs élèves. Nous nous retrouvons ensuite pour ces bals que j’anime à l’accordéon diatonique avec une collègue flûtiste, et pour lesquels chaque classe crée aussi une danse collective. » Au départ, le répertoire puisait dans les musiques traditionnelles, mais désormais c’est sur celui de madame la conseillère pédagogique que dansent les enfants. « Oui, ce sont mes musiques, car en arrivant en Isère je me suis mise à la composition. Tous les airs sont dansables, identifiables, genre scottish, cercle circassien, ou polka ! »