Depuis la rentrée dernière, les classes de la Cité éducative d’Amiens-Nord bénéficient chacune leur tour d’un cycle d’apprentissage du vélo. En lien avec les conseillers pédagogiques, l’Usep gère le parc de bicyclettes et épaule les enseignants. Une collaboration qui s’incarne dans l’engagement bénévole de Frédéric Dordain, enseignant retraité et président de l’Usep de la Somme, amateur de vélo fort de 40 ans d’expérience dans l’éducation cycliste de ses élèves.

Frédéric Dordain, vous accompagnez pour l’Usep la mise en place du Savoir Rouler à Vélo dans les 12 écoles réunies dans la Cité éducative d’Amiens-Nord. Mais la démarche n’est pas nouvelle pour vous…

Non, en effet. J’ai toujours développé des projets vélo avec les élèves, comme enseignant dans le quartier sensible d’Étouvie puis comme directeur d’école dans les quartiers sud-est, qui comme ceux d’Amiens-Nord sont classés en éducation prioritaire. À Étouvie, j’ai réuni un parc de vélos à l’école et proposé des cycles d’apprentissage, prolongés en fin d’année par des sorties camping-randonnée. J’ai reproduit cela à l’école Condorcet. Mais c’était uniquement avec des enfants de cycle 3, alors qu’avec la Cité éducative nous les touchons depuis la grande section de maternelle (GS) jusqu’au CM2, avec une priorité accordée au cycle 2 (CP-CE1-CE2).

Comment les apprentissages se sont-ils mis en place ?

Sébastien Carrez et Lise Doyen, les deux conseillers pédagogiques départementaux qui siègent au bureau de l’Usep de la Somme, ont animé des formations pour les enseignants et conçu pour eux des séances clés en main. Parallèlement, la Cité éducative a financé un parc qui compte aujourd’hui 75 à 80 vélos1. L’Usep a choisi le matériel avec les CPD, l’a acheté et le gère : nous assurons la maintenance et le transport d’une école à l’autre.

L’Usep participe-t-elle ensuite à l’animation des séances ?

Clément, notre jeune volontaire en service civique, est toujours présent aux côtés de l’enseignant pour installer les parcours, régler les vélos, ajuster les casques, effectuer si besoin de petites réparations et, éventuellement, prendre en charge un groupe. Anne-Marie Casile, la conseillère pédagogique de circonscription, Vincent le délégué Usep ou moi-même sommes également présents pour la première séance, afin de mettre l’enseignant en confiance. Car même en ayant bénéficié d’une formation d’une journée, ce n’est pas une pratique habituelle. La première difficulté consiste à séparer les enfants déjà débrouillés de ceux qui ne savent pas du tout faire de vélo. Même chez les grands, il y en a toujours un ou deux. Seul, c’est une gageure, car on doit donner des exercices différents aux deux groupes, tout en les gardant dans son champ de vision.

Quelle est la périodicité des séances ?

Il s’agit généralement de cycles de 3 semaines, après quoi les vélos sont acheminés vers une autre école. Les séances sont d’une heure, dont 45 minutes « utiles », à raison de deux par semaine, voire plus. Cela dépend aussi de la météo.

Cet apprentissage débouche-t-il sur une participation au P’tit Tour ?

Oui. En juin, nous avons accueilli toutes les classes concernées dans un parc où nous avions organisé un circuit à côté des ateliers, à raison de deux par demi-journée pour respecter le protocole sanitaire. C’est tout l’intérêt de la liaison avec l’Usep ! Le Savoir Rouler à Vélo prend toute sa dimension à travers des actions hors temps scolaire et des rencontres qui fournissent un but. Pour l’enfant, ce n’est plus seulement « je sais rouler à vélo », mais aussi « je me déplace », c’est-à-dire mobiliser à l’extérieur les compétences acquises dans la cour d’école.

Vous-même, participiez-vous au P’tit Tour avec votre classe, lorsque vous étiez enseignant ?

Non, car c’était difficile pour une classe urbaine. Mais j’organisais des classes vertes au camping, où je disposais sur place d’un encadrement renforcé et où nous empruntions beaucoup de chemins.

Vous êtes souvent dans les écoles ?

En plus des séances de démarrage, j’anime un à deux soirs par semaine des ateliers de mécanique dans les écoles où les vélos sont en dépôt. Dans le cadre de l’accompagnement éducatif, les enseignants en profitent pour pédaler avec les élèves qui restent après la classe. S’il y en a une dizaine, on partage l’heure et le groupe en deux. Et quand une école à un problème avec un vélo, je vais le chercher et je leur rapporte une fois réparé.

Les enseignants sont-ils volontaires ?

Ils le sont. Et puis, en plus du fait que le Savoir Rouler à Vélo est aujourd’hui une priorité de l’Éducation nationale, la Cité éducative offre de vrais moyens : les vélos, la formation, la réflexion pédagogique, l’aide en personnel… Cela permet de dépasser les inquiétudes initiales : comment vais-je maîtriser le groupe classe, que faire si un enfant tombe, comment faire s’il y a un problème mécanique…

Et les enfants ? Quel est leur rapport au vélo dans des quartiers urbains où la pratique n’est pas aussi simple qu’à la campagne ?

Par mon expérience d’enseignant, je sais que faire du vélo représente beaucoup pour eux. Certains demandent ensuite à leurs parents de leur en acheter un. Dès qu’ils maîtrisent suffisamment la conduite, l’intérêt est aussi de leur montrer qu’on peut sortir du quartier. Au début, les enfants sont très curieux de l’objet vélo en lui-même », puis ils découvrent l’autonomie qu’il leur procure.

Quel premier bilan tirez-vous de l’expérience et comment envisagez-vous l’année qui débute ?

L’an passé, pour la plupart des enseignants faire du vélo avec leur classe était une découverte et il était important de lever leurs inquiétudes. C’est fait, et ils sont ravis des progrès rapides de leurs élèves, en particulier dans les petites classes. Si jusqu’à présent ils se sont beaucoup reposés sur notre aide, forts de ce vécu ils sont aujourd’hui davantage en mesure d’organiser leur propre parcours pédagogique, tout en s’appuyant sur les ressources mises à leur disposition.

(1) À savoir : deux kits pour enfants de cycle 2 et un pour ceux de cycle 3, aujourd’hui complété par un kit pour les enfants de grande section de maternelle.