Jean-Claude Farault, 54 ans, est conseiller pédagogique départemental EPS du Loiret et entraîneur d’athlétisme. Ancien instituteur, il est l’un des co-auteurs de l’outil Anim’Athlé, qui a rénové la pratique de l’athlétisme à l’Usep.

Jean-Claude Farault, quand avez-vous rencontré l’Usep ?

Pendant ma formation d’instituteur à l’école normale. Enfant, j’avais seulement participé à des lendits dans mon village de Puiseaux, dans le Loiret : je nous revois, habillés de blanc avec un petit cordon rouge à la taille… Alignés derrière des marques dessinées à la chaux dans les champs, nous faisions des mouvements avec des cerceaux, et aussi des danses folkloriques. J’ai ensuite pratiqué le sport scolaire au collège, où j’ai découvert que je courais vite, puis rejoint le club d’athlétisme de Pithiviers.

Instituteur, c’était une vocation ?

À l’origine, je voulais enseigner les sciences. Mais ma maman peinait à financer mes études. Alors, ma licence en poche, j’ai passé le concours d’instituteur. Par opportunité, et par hasard, car si je n’avais pas suivi une connaissance de l’époque je n’aurais jamais retiré le dossier d’inscription.

Et pendant votre formation, vous découvrez l’Usep…

…et d’abord ses militants. Avant d’être une association, pour moi l’Usep ce sont des rencontres marquantes. Notamment celle de Michel Debray, qui à l’école normale nous a initiés aux activités de pleine nature, y compris le kayak et la voile. Ces stages Usep m’ont formé et permis de rencontrer des gens qui, au-delà de leur compétence dans les activités physiques et sportives, portaient des valeurs fortes et possédaient une posture d’éducateur.

Comment êtes-vous ensuite devenu conseiller pédagogique départemental ?

J’ai enseigné 7 ans à l’école Jean-Mermoz d’Orléans. J’ai créé l’association Usep et nous participions aux rencontres du mercredi. Parallèlement, j’entraînais l’athlétisme en club. J’ai alors souhaité devenir conseiller pédagogique de circonscription (CPC) en EPS. Croyant que c’était indispensable, j’ai passé une maîtrise en Staps (Sciences et techniques des activités physiques et sportives). J’ai retrouvé parmi les enseignants un autre militant Usep, Michel Ledorze, dont la rencontre a elle aussi été déterminante. Sur son conseil, j’ai passé le Capes, suivi un troisième cycle et décroché l’agrégation d’EPS. J’ai ensuite enseigné un an en collège, en me demandant souvent ce que j’apportais à mes élèves, le sifflet à la bouche, au bord d’un terrain de basket. Je ressentais une rupture d’utilité en comparaison avec l’impact éducatif d’un maître d’école. Mes collégiens me disaient aussi que j’étais trop « gentil » avec eux, moi qui n’y voyais que bienveillance… J’étais davantage fait pour enseigner auprès de jeunes enfants que d’adolescents frondeurs. Heureusement, j’ai rapidement été nommé conseiller pédagogique départemental (CPD), chargé d’accompagner les professeurs des écoles dans l’enseignement de l’EPS.

Entraîneur d’athlétisme en club, vous étiez aussi spécialisé auprès des jeunes ?

Non, mais avant d’être chargé d’un groupe d’athlètes, j’ai entraîné des minimes, des cadets, des benjamins… Cela aide à mesurer l’importance de la dimension humaine. Si on l’oublie pour ne privilégier que la technique, on passe à côté de beaucoup de choses.

Au début des années 2000, vous participez au sein de la FFA à la rénovation de l’enseignement de l’athlétisme auprès des enfants…

Philippe Leynier, un athlète de ma génération, a constitué pour cela un groupe de travail auquel était associé Michel Lacroix, conseiller pédagogique et militant Usep. Notre mission était de rompre avec la « miniaturisation » des disciplines athlétiques pour imaginer une pratique vraiment adaptée aux enfants. Après avoir tâtonné, nous avons abordé la question par le biais de l’évaluation : partir des progrès moteurs, afin de n’oublier aucun enfant et que chacun puisse progresser par rapport à des apprentissages, et non par rapport à des performances brutes, qui ne font qu’enregistrer les aptitudes du moment, et non les capacités potentielles.

Ce qui fait particulièrement sens au regard du public de l’Usep…

C’est pourquoi Michel Lacroix, usépien pur souche, a été si utile. Sans lui, nous nous serions focalisés sur la motricité. Or Anim’Cross et Anim’Athlé, les outils élaborés pour l’Usep, visent à la construction du « être athlète ». Quand nous autres spécialistes allions naturellement vers les gestes techniques, Michel nous ramenait toujours à l’enfant et à son corps.

« Être athlète », qu’est-ce que ça signifie ?

Cela signifie être en mesure d’apprendre par soi-même, comme un athlète capable de corriger de lui-même un saut, sans être dépendant de son entraîneur, ni techniquement, ni psychologiquement. Pour l’enfant, c’est pareil : l’adulte est là pour le conseiller, le rassurer, mais il doit également apprendre par lui-même.

Être athlète, c’est aussi avoir appris la persévérance, la répétition d’un geste. Cette persévérance, il faut la construire chez les enfants.

Il y a enfin le vivre ensemble. L’athlétisme est un sport individuel, mais pas forcément individualiste : voyez l’engouement des athlètes pour les interclubs ! Cette approche collective, présente aujourd’hui dans nos écoles d’athlétisme, c’est aux rencontres Usep que nous la devons !

La mise en valeur du collectif, c’est ce qui caractérise les rencontres Anim’Athlé…

Oui, mais sans occulter non plus la notion de performance. Car celle-ci est saine si elle est bien construite. La performance, pour un enfant c’est de la lisibilité, la trace de son action. Les enfants savent comparer leur performance à leur avantage, et pas seulement par rapport au premier, car par définition il n’y en a qu’un. N’oublions pas non plus que l’athlétisme, c’est le dépassement de soi.

Pour finir, quel serait le point faible de l’Usep, et son point fort ?

La limite de l’Usep, c’est parfois la tentation de « faire du nombre », alors qu’au-dessus de 150 enfants, mieux vaut faire deux rencontres. Mais ça a beaucoup évolué, et j’ai toujours été admiratif du professionnalisme de l’Usep dans l’organisation : en toutes circonstances, ils savent gérer. Quant au point fort, au risque de me répéter je dirais l’engagement humain.

L’Usep, ce sont aussi pour moi deux mots : laïcité et citoyenneté. En tant que sportif, il m’est arrivé de penser qu’ils revenaient très souvent. Mais, avec du recul, on se dit que c’est là l’essentiel, et pas le petit décalage des pieds d’un enfant qui lance son vortex (objet adapté au lancer du poids pour les plus jeunes).

Mais si je devais résumer l’Usep en une image, ce serait celle de ces petits bonhommes et bonnes femmes qui courent de partout et montrent qu’ils sont heureux. C’est génial. C’est l’Usep, quoi.