Ancienne nageuse, Roxana Maracineanu a lancé l’an passé un plan « aisance aquatique » de lutte contre les noyades qui s’est traduit dans l’Éducation nationale par des expérimentations de « stage massés » avec des enfants de maternelle. La ministre des Sports réunit à présent du 20 au 22 janvier au Creps de Reims une conférence de consensus autour de ce premier apprentissage de la natation pour les moins de 6 ans. Quelle contribution l’Usep peut-elle apporter ? Les réponses de Patrick Morel, vice-président en charge de la pédagogie-recherche.
Patrick Morel, qu’est-ce que « l’aisance aquatique » ?
C’est la capacité d’évoluer en milieu aquatique et de se mettre en sécurité de manière sereine, après avoir perdu ses appuis terriens, sans forcément maîtriser une technique de nage. Cette notion caractérise aussi un test préalable à la pratique des activités aquatiques en accueil collectif de mineurs. Certains enseignant feront également le parallèle avec le test dit « anti-panique » qui consistait à faire chuter les enfants en arrière, de manière volontaire, en eau profonde, dans une piscine ou un lac, avec un gilet de sauvetage, pour s’assurer de leur aptitude à regagner le bord, et donc à pratiquer par exemple une activité kayak. On peut établir une comparaison avec les élèves de grande section de maternelle prêts à entamer l’apprentissage de la lecture de manière plus construite. Un enfant en « aisance aquatique » est, lui, disposé à entrer dans l’apprentissage de la natation.
Quel rapport avec le Savoir Nager ?
Le Savoir Nager correspond à un enchaînement de dix compétences, avec l’objectif que tous les élèves le possèdent en fin de CM2 : entrer dans l’eau profonde, réaliser un équilibre, se déplacer sur le ventre, le dos, passer sous un obstacle qui affleure, etc. Le Savoir Nager est préparé en milieu scolaire, alors que l’aisance aquatique peut se travailler dans un autre cadre. Même s’il est vrai que l’École offre l’immense avantage de voir passer tous les enfants…
Et avec le Sauv’Nage ?
Le Sauv’Nage est un diplôme interfédéral mis en place il y a plusieurs années avec le concours de l’Usep. Préalable à l’entrée dans les techniques, il peut s’apparenter à l’aisance aquatique. Tous ces dispositifs nourrissent une certaine confusion. Mais, à l’école, le Savoir Nager est le plus légitime.
Que peut apporter l’Usep dans le cadre de l’aisance aquatique ?
Son expertise pédagogique auprès des enfants dès 4 ans, et le fait d’être à la fois présente sur le temps scolaire, périscolaire ou extrascolaire.
Justement, la conférence de consensus organisée par la ministre des Sports s’interrogera sur l’âge à partir duquel travailler l’aisance aquatique : 4, 5 ou 6 ans ?
Le plan « aisance aquatique » a été présenté comme une mesure de sécurité publique destiné à éviter des noyades de jeunes enfants qui, dans la plupart des cas, ont lieu dans des piscines privées. On serait donc tenté de répondre : dès le plus jeune âge… J’observe par ailleurs que, dans l’apprentissage de la natation, il y a une quinzaine d’années, les efforts portaient sur le cycle 2 (grande section de maternelle-CP-CE), avant de se focaliser sur les élèves de cours moyen. Mais, pour l’aisance aquatique comme l’apprentissage de la natation proprement dit, la question est aussi celle de l’accès à un bassin, particulièrement problématique dans les départements ruraux1.
Pour y remédier, la ministre des Sports propose de développer les stages massés : de quoi s’agit-il ?
Il s’agit de concentrer des séances de natation sur un temps réduit, une semaine ou deux, au lieu de les étaler sur un trimestre ou une année scolaire. C’est dans cet esprit que le comité Usep de l’Ain organise depuis trente ans des classes natation sur le modèle des classes transplantées. Sur une semaine, les enfants bénéficient de 8 séances de 45 minutes, soit 1 h 30 par jour, encadrées avec le concours de l’équipe départementale des conseillers pédagogiques EPS.
Pour combien de classes ?
Nous pouvons accueillir 8 classes par an, en deux sessions d’une semaine. Il faut pour cela disposer d’un bassin disponible et d’un hébergement : c’est ce que nous offrons aux classes du département dans la station de Hauteville-Lompnès, à la fermeture d’hiver et avant l’ouverture de printemps.
Pour des enfants de quel âge ?
Cela va de la grande section de maternelle au CM2. Nous essayons de réunir ensemble des classes d’un même cycle mais nous accueillons aussi des classes à plusieurs niveaux. Nous nous adaptons et construisons le projet avec les enfants, en leur proposant différents aménagements de la piscine. Après chaque séance, ils font un retour sur celle-ci avec leur enseignant et les encadrants, et se projettent vers la suivante. Tout le séjour est centré autour de cet apprentissage, lequel s’appuie sur une pédagogie qui, au fil des ans, a fait école dans tout le département. Chaque enfant possède notamment un carnet de compétences personnel. Et nous proposons à ceux qui vont au-delà de la progression envisagée et du Savoir Nager de s’orienter vers la nage performance en s’inscrivant dans une performance collective – la plus grande distance nagée par la classe. Nous leur proposons aussi une initiation au sauvetage, façon d’entrer dans un projet citoyen qui correspond aux finalités de l’Usep.
(1) Mais la question se pose également en milieu urbain, où les équipements sont certes plus proches, mais le ratio nombre d’enfants/nombre de piscines guère meilleur.