« À l’Usep, la fraternité a de beaux lende’mains » : c’est le slogan que les associations Usep sont invitées à décliner dès à présent dans leur école pour accompagner la Journée de la laïcité du 9 décembre. Au programme de cette initiative nationale : des activités sportives coopératives, des débats associatifs, une flash mob réunissant toute l’école et la production artistique de « mains de la fraternité » appelées à prendre place dans un musée virtuel.
Charlotte Carré, vous êtes l’élue en charge de la laïcité à l’Usep : pourquoi avoir choisi cette année la fraternité comme thème de l’action menée autour de la Journée de la laïcité ?
L’an passé, pour la première édition, nous avions fourni des ressources générales sur la laïcité. Cette fois, nous pointons ce mot qui ponctue la devise républicaine que les enfants peuvent lire au fronton de leur école mais qui, lui non plus, n’est pas si facile à comprendre : que signifie le fait d’être « tous frères » ? Le terme de « sororité », son pendant féminin de plus en plus présent dans les questions de société, est d’ailleurs lui aussi explicité parmi les ressources mises à disposition des enseignants.
Quelles sont ces ressources ?
Elles sont très diverses : ouvrages de littérature jeunesse, définitions de la fraternité (par écrit, dans les vidéos du réseau Canopé ou illustrée façon dessin animé par Zep), affichettes, etc. Certaines de ces ressources s’adressent aussi aux parents. On peut aussi considérer comme une ressource le « banc de l’amitié » imaginé par l’Ageem, notre partenaire qui fédère les enseignants de maternelle. Quand un enfant se sent seul ou triste, il peut aller s’asseoir sur ce banc préalablement décoré : les autres enfants savent alors qu’il a besoin de réconfort.
En quoi les activités physiques et sportives proposées permettent-elles d’aborder ce thème de la fraternité ?
L’action repose sur trois temps : bouger, penser-débattre, et créer. Pour bouger, nous proposons 12 jeux coopératifs où il faut faire ensemble pour réussir, sans gagnant ni perdant. Ce vécu peut servir de support aux débats, mais l’interaction existe dans les deux sens : le débat peut précéder l’activité physique et sportive. Cette expérimentation des jeux coopératifs pourra aussi se prolonger dans les activités sportives proposées plus tard dans l’année.
Cette initiative autour de la laïcité avait été lancée l’an passé au lendemain de l’assassinat du professeur d’histoire Samuel Paty, qui avait suscité une très forte émotion parmi les enseignants. Le contexte a-t-il changé depuis ?
Il est sans doute un peu différent mais il y a toujours beaucoup d’émoi autour de cette thématique, qui reste difficile à aborder par les enseignants comme par les parents. L’an passé, notre initiative a suscité un élan, avec la participation de 25 000 enfants, dans 281 associations et 49 départements. Cela témoignait je crois d’un besoin d’être ensemble et, plus encore, de « se sentir bien ensemble ». Le succès de la flash mob, motivante, enthousiasmante et facile à décliner dans une cour d’école, de la maternelle au CM2, en fut le symbole. Nous avons souhaité utiliser cette forte mobilisation de l’an passé comme un tremplin pour intégrer tous les comités départementaux dans une action qu’il n’est pas facile de mener isolément.
Quels enseignements avez-vous tiré de cette première édition ? Qu’avez-vous changé ?
Pour faciliter la participation du plus grand nombre d’associations, nous avons étendu la durée de l’opération du 20 novembre au 11 décembre, de la Journée internationale des droits de l’enfant au surlendemain de la Journée de la laïcité du 9 décembre. Nous avons également répondu au souhait formulé par les enseignants d’associer les parents, avec des mots inducteurs ou des expressions qui favorisent leur participation à des débats, soit avec les enfants, soit de manière séparée lors de soirées laïcité. Le choix de jeux coopératifs permet aussi leur participation aux activités physiques et sportives, ce qui rejoint notre projet de rencontres familiales dans le cadre de l’évènement 2024. Enfin, pour les créations plastiques, après les arbres de la laïcité nous avons choisi le thème des « mains », qui fait sens pour illustrer la fraternité, en élargissant la palette des création possibles : affiches, peintures et dessins, vidéos, photos… Toutes trouveront leur place dans un musée virtuel que les enfants pourront visiter. Ils sont toujours fiers de savoir que leurs créations sont exposées, autant qu’ils sont curieux de savoir ce que font les autres.
Comment l’action s’adapte-t-elle au contexte sanitaire, alors que le masque est redevenu de rigueur à l’école élémentaire ?
Toutes les activités peuvent être réalisées avec ou sans brassage. Les jeux sportifs peuvent l’être en extérieur, et les créations en portant un masque. Et si on ne les vit pas « tous ensemble », au moins les vit-on « tous en même temps ». C’est ce que souligne aussi le musée virtuel : on participe à quelque chose qui dépasse la classe et l’école. Parler de sentiment d’appartenance est peut-être un peu fort, mais il y a bien là le sentiment d’appartenir à une communauté qui va au-delà des murs de leur établissement. Savoir que dans toute la France, en ville, à la campagne, en métropole et outre-mer, d’autres enfants de leur âge vivent la même chose, en même temps, autour de la laïcité et de la fraternité.